L’ingénieur Antonio «Tony » Accurso, infatigable entrepreneur, actionnaire de la première heure et client du Fonds de Solidarité FTQ
J’ai toujours pris à coeur les dossiers de mes clients, trop peut-être. C’est une erreur, semble-til. On doit toujours conserver un certain recul, un détachement, nous enseigne-t-on. Là aussi j’ai été un mauvais élève. Sans doute en raison d’une sensibilité excessive à la bêtise humaine, beaucoup trop répandue.
J’ai été l’avocat de M. Accurso peu après notre première rencontre à un certain dîner dont j’ai déjà parlé. Il en avait et en a eu plusieurs autres de spécialités différentes. Je ne rédige pas de contrat, je ne suis pas non plus, c’est évident, fiscaliste. Non, je ne m’occupais pour lui que de dossiers judiciaires en civil.
À une certaine époque, je ne le cacherai pas, il m’a fait beaucoup travailler. Il m’a permis, à moi jusqu’alors naïf lecteur de nouvelles, de connaître beaucoup mieux le quatrième pouvoir, quatrième suivant un classement daté et largement périmé, qui ne s’applique certainement pas à notre fragile province où il est bien plus simplement le premier.
Les premières années de ma relation professionnelle avec Tony Accurso se sont bien passées. On se parlait assez souvent, avec un plaisir partagé. Un entrepreneur en construction aussi important que lui a parfois besoin d’un avocat en litige civil. En tout cas, certainement plus qu’un commerçant de produits alimentaires biologiques sur le Plateau. Même s’il n’est pas du genre à s’épancher, j’ai appris peu à peu à le connaître.
Son père, Vincenzo Accurso, est arrivé au pays en 1922, à l’âge de vingt-deux ans, sans trop savoir qu’il entrait dans une province à majorité francophone. Il a commencé à travailler comme manoeuvre sur les chantiers de construction. Ses paies allaient à sa mère et à ses deux soeurs restées en Italie. En 1954, il fonda sa propre compagnie de construction. À cette époque, les entrepreneurs d’origine italienne préféraient ne pas donner leur nom à leur entreprise, ni même un nom italien, pour ne pas nuire au développement de leurs affaires. Le racisme contre les Italiens est ancien. Il nomma donc sa société Louisbourg, du nom de la rue du premier contrat qu’il avait obtenu à Montréal.
Au décès de son père, Tony avait vingt-huit ans. Comme il était ingénieur et qu’il avait du cran, il fut en mesure de reprendre l’entreprise. Au cours des années suivantes, il fit la connaissance du célèbre syndicaliste Louis Laberge, L’ingénieur Antonio «Tony » Accurso, infatigable entrepreneur, actionnaire de la première heure et client du Fonds de Solidarité FTQ président de la Fédération des travailleurs du Québec. Celui-ci le prit sous son aile. Il fit de Tony Accurso l’un des tout premiers actionnaires du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Grâce à ce fonds d’investissement, Tony Accurso put acquérir la compagnie Simard-Beaudry, fleuron des compagnies de construction québécoises, qui allait passer dans les mains d’une multinationale étrangère. La transaction évita de peu cette perte. À cette époque, nous pensions qu’il fallait assurer une certaine maîtrise de notre économie.
Cette collaboration très proche avec le fonds d’investissement de la FTQ fut avantageuse pour Tony. Eh oui, les hommes, pardon, les gens d’affaires ambitieux font tout pour avoir la meilleure relation possible avec leurs banquiers. C’est comme ça et ce n’est pas près de changer. Mais cette collaboration fut également très profitable pour le Fonds qui, avec lui, obtint pendant dix-neuf ans un rendement annuel moyen de près de 13 % sur ses prêts et investissements, soit près de 94 millions de dollars. Un rendement record pour le Fonds. Mais qui a envie de le savoir ? Il n’y a là rien de scandaleux et la nouvelle est bonne. Alors, on n’en parle pas. Pour ma part, je trouve ça admirable, surtout quand je compare avec les rendements insignifiants de mon REER. Dans l’industrie, les sociétés de construction de Tony Accurso ont été considérées par leurs clients et partenaires comme d’excellentes compagnies de construction. Malgré toutes les énormités que l’on a dites sur elles, jamais l’on n’a remis en cause la qualité de leur travail. Elles étaient les meilleures au Québec. Toutefois, là non plus, ça n’intéresse personne, et certainement pas les journalistes.
Au fil de plus de trente ans, Accurso aura constitué une belle équipe de Québécois qui, fait remarquable, lui restera fidèle jusqu’à la fin même dans les pires moments d’adversité. Je lui lève mon chapeau de ne pas avoir perdu ses employés qui, chaque matin pendant des mois et des mois, lisaient dans les journaux toutes sortes d’atrocités au sujet de leur patron jusqu’à ce que ses entreprises soient vendues. (…)
Dans des circonstances précises, j’appris que, pour lui, la parole donnée était plus importante que tous les contrats signés, même quand ce n’était pas à son avantage. Je me suis même demandé s’il lisait ces foutus contrats, très épais, interminables et ennuyeux. J’avoue que je l’aurais compris de ne pas le faire. Donc, tout allait bien jusqu’à ce qu’il se fasse couler — et il me pardonnera le jeu de mots — par son bateau.
Au Québec, on peut avoir dans Charlevoix un vaste domaine avec un golf magnifique et un aéroport privé, une multitude de serviteurs pour recevoir en grande pompe qui l’on veut, politiciens indigènes ou étrangers, banquiers et tutti quanti sans jamais être interrogé, sans recevoir de visite non désirée. On peut aussi accepter qu’un entrepreneur du Québec ait un bateau, du moins s’il mesure trente pieds, ou quarante pieds, ou peut-être même cinquante, mais c’est là un maximum. S’il dépasse cette longueur, ça devient douteux. À moins qu’il s’agisse d’un bateau à voiles, plus écolo, alors là, on peut aller jusqu’à soixante pieds.
Cependant, un bateau à moteur qui mesure cent vingt pieds et qui est amarré dans le sud, ça ne passe pas. Avec un jacuzzi et une décoration intérieure somptueuse qui ne plaisait pas aux gens du Plateau, mais alors pas du tout, ça devenait complètement inacceptable. Non, mais qu’a bien pu penser Tony Accurso pour se permettre une telle folie ? En plus, il a appelé son bateau le Touch. Là il cherchait vraiment les ennuis. (…)
Ma conjointe m’a dit à une certaine époque que Tony Accurso, qu’elle n’a jamais rencontré, était omniprésent dans notre couple. Il déjeunait avec nous quand on lisait les journaux, mangeait avec nous quand on discutait des bulletins de nouvelles. Pis encore, il dormait avec nous pendant mes plaidoiries nocturnes. Elle s’en plaignait parfois. Elle avait raison. C’est vrai, on parle fréquemment de lui à la maison. C’est difficile de l’oublier, il fait les manchettes. Il y a parfois des accalmies, mais ça repart ensuite de plus belle, et très souvent pour répéter les mêmes choses. Cet homme est vraiment devenu à un moment un sujet incontournable pour la population en général et pour notre famille en particulier.
Un soir, la fille de ma conjointe nous lance, un peu exaspérée : « Vous rendez-vous compte qu’on est la seule famille au Québec qui parle en bien de Tony Accurso ? » Un autre soir, c’est son frère jumeau qui nous raconte avoir dit en classe que le conjoint de sa mère était un des avocats d’Accurso. Il y avait eu un long silence dans la classe. Pour sortir les élèves de leur hébétude, son enseignante a dit : « En tout cas, il ne doit pas manquer de travail ! » Mes fils, eux, aimaient bien que je m’occupe de ce cas et que je cesse un peu d’être sur le leur… (…)
Tony ne m’appelait que très rarement le week-end. Aussi, j’ai été surpris qu’il le fasse un certain samedi matin. « Hey, salut mon chum ( c’est toujours de cette façon qu’il commence ses conversations avec moi et avec beaucoup d’autres, je pense ), sais-tu ce qui m’est arrivé ce matin ? » Dans son cas, ce genre de question m’inquiète toujours un peu. Je me mis en mode écoute et je me préparai au pire.
— Je suis allé chez Milano, tu sais l’épicerie italienne du boulevard Saint-Laurent ? J’aime ça faire des achats pour la cuisine la fin de semaine.
Je me doutais bien qu’il ne me téléphonait pas pour me donner sa recette de sauce à spaghetti. Je l’ai laissé poursuivre, toujours un peu inquiet.
— Tu ne sais pas qui j’ai vu ? Je garde le silence.
— Gravel lui-même, au rayon des légumes.
— Qu’est-ce que tu as fait ?
— Sans trop que ça paraisse, je me suis approché un peu pour m’assurer que c’était bien lui. Il continuait à faire monter ma pression.
— Et alors ?
— Bien, je lui ai serré la main en lui disant : « Salut Alain. »
— Tu aimes ça les ennuis. Et alors ?
— Sais-tu ce qu’il m’a dit ? T’as pas d’idée ! Il m’a répondu : « Qui êtes-vous ? » Tu te rends compte ! Qui êtes-vous ? Un gars qui me poursuit depuis des mois, qui s’acharne sur moi, qui dit n’importe quoi sur mon compte, qui fait des émissions avec des titres comme « Qui est Tony Accurso » où il prétend faire un portrait de moi pendant une demi-heure et, lorsqu’il me voit, qu’il a mon portrait devant lui, il n’est même pas capable de me reconnaître.
— Et alors ?
— Je l’ai regardé droit dans les yeux et je lui ai dit : « Je m’appelle Antonio Accurso. » Et sais-tu ce qu’il m’a dit ? « Ah, bonjour monsieur Accurso, moi aussi, j’aime bien magasiner chez les Italiens. » Puis il est parti. Mais qu’est-ce que ça me fait, à moi, qu’il aime magasiner chez les Italiens? Le reste de notre conversation ne peut être rapporté ici, pas tellement pour protéger des secrets professionnels, mais plutôt pour conserver quelque chance d’être publié un jour.
Les avocats qui ont agi auprès de la Commission Charbonneau Barreau du Québec :
• Me Sylvie Champagne
• Me Gaston Gauthier
• Me Marco Labrie Directeur général des élections
• Me Alexie Lafond-Veilleux
• Me Dave Kimpton
• Me Lucie Fiset
• Me Christina Chabot
• Me Julie Roberge Ordre des ingénieurs du Québec
• Me Annick Paquette
• Me Christine O’Doherty
• Me François-Xavier Robert Québec Solidaire
• Me Alain Tremblay Union des municipalités du Québec
• Me Yuri Tremblay Directeur des poursuites criminelles et pénales
• Me Claude Girard
• Me Pierre Lapointe
• Me Jean-Pascal Boucher
• Me Pierre Poulin Coalition Avenir Québec
• Me Jean-Pierre Bélisle Association nationale des camionneurs artisans Inc
• Me Ghislain Bernier