Les auteurs et les éditeurs iront en appel suite au refus de la cour d’autoriser leur action collective contre l’Université Laval
Dans un jugement rendu aujourd’hui, le juge Michel Beaupré, de la Cour supérieure du Québec, a refusé d’autoriser l’action collective que souhaitait entreprendre Copibec contre l’Université Laval au nom de tous les auteurs et de tous les éditeurs, québécois et étrangers. Selon le juge les questions de violation des droits d’auteur nécessiteraient une analyse individualisée du cas de chaque auteur et de chaque éditeur et l’action de Copibec se distinguerait des recours collectifs déjà autorisés en cette matière. De plus, la Cour a estimé que Copibec ne pourrait pas représenter les membres du groupe parce que ces derniers sont membres des organisations membres de Copibec, mais non pas de Copibec directement. Le tribunal a néanmoins pris soin de préciser que « le tribunal ne faisait pas siennes les prétentions de l’Université sur le fond du litige ».
Me Daniel Payette, procureur de Copibec et des membres du groupe, a indiqué que ses clients estiment le jugement manifestement mal fondé car il applique une vision étroite des critères d’autorisation de l’action collective, au contraire des enseignements de la Cour suprême, et qu’ils entendent porter leur demande en appel pour obtenir l’autorisation d’exercer cette action collective. Si on suivait la logique de la Cour, des milliers d’auteurs et d’éditeurs, canadiens et étrangers, devraient déposer leur recours individuel, devant les divers tribunaux civils québécois, pour faire droit à leur réclamation, souvent modeste, pour la reproduction sans autorisation ni paiement de leurs œuvres.
On se souviendra que, depuis le 1er juin 2014, l’établissement universitaire de Québec avait décidé de ne plus demander la permission des auteurs et des éditeurs et de cesser de leur verser des redevances pour reproduire leurs ouvrages dans les recueils de textes vendus aux étudiants ou mis à leur disposition sur internet. L’Université Laval reproduit annuellement plus de 11 millions de pages, extraites de plus de 7 000 ouvrages. Elle est, au Québec, la seule université et le seul établissement d’enseignement à se comporter de cette manière, les autres institutions ayant toutes obtenu des licences générales de Copibec et convenu des tarifs de reproduction.
Le 10 novembre 2014, Copibec et des représentants des auteurs (tels le poète Guy Marchamps et le romancier Jean-Frédéric Messier), des éditeurs (tels Leméac et les Presses de l’Université du Québec) et des sociétés de gestion, ont déposé une requête en Cour supérieure pour obtenir l’autorisation du tribunal d’exercer une action collective. Ils réclamaient de l’Université Laval, outre une ordonnance de cesser ces reproductions illicites, des dommages matériels, moraux et exemplaires à hauteur d’environ 4 millions de dollars par année au nom de toutes les personnes dont les droits d’auteur ont été violés.
Le 10 mars 2015, 34 auteurs québécois, dont Michel Tremblay, Marie Laberge et Yann Martel, cosignaient une lettre ouverte dans laquelle ils dénonçaient le mépris de l’Université Laval pour la rémunération équitable des créateurs. Le recteur Denis Brière réagissait en invoquant des compressions de plus de 20 millions de dollars pour justifier de ne pas prendre une licence de reproduction qui, selon lui, coûtait 620 000 $ par an.
Danièle Simpson, présidente de Copibec, s’est dite étonnée et déçue que le tribunal n’ait pas accueilli la requête de la société de gestion du droit de reproduction, mais, étant donné la solidité du dossier de Copibec, est confiante que l’autorisation d’aller en appel sera accordée et que cet appel connaîtra un résultat positif.
Copibec est un organisme sans but lucratif créé en 1998 par l’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ) et l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) afin de gérer les droits de reproduction des ouvrages en format papier et numérique. Elle a été habilitée pour la gestion des droits de reproduction par 2 330 éditeurs et 24 295 auteurs québécois, ainsi que par les auteurs et éditeurs regroupés dans des sociétés de gestion du droit de reproduction de 32 autres pays, dont la France, la Belgique et les États-Unis.