Bentley Bentayga: le pinacle de l’utilité
Par Michel Crépault
Il n’y a pas vraiment de limites au luxe qui peut parer une automobile. Le nouveau Bentley Bentayga le prouve.
Depuis quand une marque comme Bentley s’aventure-t-elle dans le rayon des utilitaires? Depuis que le Cayenne, lancé en 2002, représente environ la moitié des ventes mondiales de Porsche. Comme le tentaculaire groupe Volkswagen contrôle Porsche et Bentley, la tentation d’offrir au second ce qui a déjà enrichi le premier s’est transformée en nécessité : mesdames et messieurs, voici le Bentley Bentayga.
D’ailleurs, la plateforme MLB Evo qui sous-tend l’énorme VUS de deux tonnes et demie rend le même service au Cayenne et au Audi Q7. En fait, dès 2012, Bentley a exhibé un prototype horriblement baptisé EXP 9 F. Il n’aura fallu finalement que 42 mois pour finaliser le véhicule – un record chez Bentley – et en profiter heureusement pour le rebaptiser. Le nom Bentayga s’inspire de la nature, i.e. de la taïga, forêt de conifères nordiques, et du rocher Roque Bentayga dans les îles Canaries.
Mais comment le Bentayga compte-il vraiment se démarquer? C’est simple : le constructeur prétend sans rougir que son camion est le « plus tout » : le plus puissant, le plus rapide et le plus cher ! Vérifions…
Il déménage !
Au départ, le moteur est un W12 6 litres secondé par deux turbocompresseurs et une boîte automatique à 8 rapports qui développe 600 époustouflants chevaux. C’est suffisant pour catapulter le mastodonte de 0 à 100 km/h en 4,1 secondes et l’amener à une vitesse de pointe de 301 km/h. Le Porsche Cayenne Turbo S clame une accélération au moins aussi rapide mais il ne franchit pas encore le mythique cap des 300 km/h. Il balade pourtant quelque 300 kg de moins que le Bentley. On peut donc affirmer que le Bentayga s’avère le guépard des utilitaires. Enfin, pour le moment, en attendant que se pointent les autres (voir l’encadré).
Bentley vient maintenant de lancer une version Diesel du Bentayga pour peut-être se faire pardonner les 20 litres de carburant que l’ogre à essence consomme en ville par tranche de 100 kilomètres, mais on peut en douter. Car si un acheteur de Bentayga se soucie de sa facture à la pompe, il s’est trompé de véhicule (et son banquier n’est pas content du tout).
Enfin, le Diesel s’avère un V8 4,0L biturbo aidé d’un compresseur électrique. Grâce à ses 429 chevaux et son couple équivalent à celui du W12, il peut être fier de ses performances : le 0-100 km/h en 4,8 secondes et une vitesse maxi de 269 km/h. Mais, surtout, il fera parcourir à son heureux proprio près de 1000 km à partir d’un réservoir
plein, alors que son grand frère à essence en totalisera 560 si vous êtes très gentil avec l’accélérateur.
En guise de comparaison, rappelons qu’un Range Rover SVAutobiography Dynamic se détaille 171 000$ US. Or, l’étiquette de départ du Bentayga frôle les 270 000$ chez Bentley Montréal, la division de Les Moteurs Décarie, l’unique détaillant autorisé de la marque au Québec, qui ignore pour le moment s’il accueillera la variante au gazole.
Le Range Rover déborde de gentillesses, comme l’empattement allongé, les tablettes enveloppées de cuir qui se déploient électriquement à l’arrière et le mini bar. Le Bentayga, lui, est proposé avec une panoplie d’options qui s’étend sur des pages et des pages. Et quand ce n’est pas assez, le client est invité à pénétrer dans l’univers Mulliner, le programme sur-mesure ouaté et exclusif de Bentley. Ici, tous les caprices sont permis, toutes les fantaisies se concrétisent, tant que la carte Amex est noire.
Un vrai 4×4
Ainsi, pour plus d’un quart de million de dollars, vous commencez par obtenir des roues de 20 pouces, des panneaux de métal très complexes à mouler, un boudoir de cuir et de boiseries et de réelles aptitudes hors-route grâce à un système à rouage intégral sophistiqué à huit modes qui ne sera néanmoins jamais mis à l’épreuve par la grande majorité de la clientèle.
Le Bentayga est bien sûr pourvu de série de toutes les aides à la conduite électroniques imaginables et c’est bien la moindre des choses puisque des véhicules coûtant dix fois moins cher comportent aussi le régulateur de vitesse
intelligent et l’avertisseur d’angles morts. Toutefois, la créature de Crewe (l’usine anglaise qui l’assemble) se distingue grâce à son Dynamic Ride qui, en deux mots, analyse continuellement les réactions de la suspension pneumatique pour éliminer tous risques de roulis, même dans un virage négocié avec le diable à nos trousses.
Parmi les options dignes de mention, il y a ces partitions installées dans l’espace cargo. On peut les faire coulisser à l’extérieur du hayon afin de s’en servir comme strapontin pour suivre un match de polo (quoi d’autre !). Combinez cet accessoire avec le panier de pique-nique à 33 000$ (service en porcelaine Linley, verres en cristal) et le champagne gardé au froid dans le compartiment réfrigéré, et tout est un place pour un « tailgate party » où les côtes levées ne seront probablement pas au menu.
Mais la palme des options toutes catégories revient à l’horloge Tourbillon signée Breitling. Dès que le client a choisi entre la couronne d’or rose ou blanc et le cadran de nacre ou d’ébène, la montre, également ornée de huit diamants, s’encastre au centre du tableau de bord dans un boîtier qui s’occupe de la remonter automatiquement. Une bagatelle qui à elle seule vous soulagera de 224 000$ !
Alors, oui, quand on se donne la peine d’habiller son Bentayga un tant soit peu convenablement, on se retrouve avec l’utilitaire le plus cher au monde.
La riposte se prépare
Maintenant qu’il est tendance pour les gens riches et célèbres de s’offrir un véhicule passe-partout, le Bentayga ne sera pas seul longtemps. D’autres constructeurs spécialisés dans le luxe suprême compte rejoindre Bentley dans ce carré de sable qui était jusqu’ici la chasse-gardée de Land Rover :
– Lamborghini : le Urus devrait être lancé en 2018 avec un V8 double turbo. L’usine de Sant’Agata Bolognese a reçu le mandat d’en vendre 3 000 par année.
– Rolls-Royce : la célèbre marque, propriété de BMW, travaille sur un utilitaire (elle refuse de l’appeler un VUS) basé sur une architecture d’aluminium. Le concept s’appelle Cullinan, comme l’énorme diamant qui orne le sceptre de la reine d’Angleterre. Sortie prévue aussi en 2018.
– Maserati : disponible chez nous depuis l’automne 2016 en tant que modèle 2017 à partir de 93 000$, le Levante se rabat sur une version modifiée de la plateforme de la Ghibli et de la Quattroporte enrichie d’un système à quatre roues motrices.
Il ne manque que Ferrari au party. Bien que le cheval cabré jure qu’il ne cèdera jamais à cette mode, des rumeurs vont bon train. Après tout, les experts prédisent qu’il s’écoulera annuellement plus de 30 000 utilitaires inabordables d’ici 2020. Comme Bentley espère capturer 5 000 unités de cette profitable manne, ses rivaux ne laisseront pas la balance leur échapper !