Pistes de réflexion sur le risque de fraude financière dans le contexte actuel
Par Corey Bloom, CPA, CA, CA.IFA, CFF, CFE, ACFE Regent Emeritus
Alors que la pandémie de COVID-19 se prolonge et que l’économie continue de s’adapter à une nouvelle normalité, il est important de rester vigilant. Les fraudeurs sont occupés. Ils profitent des distractions causées par les perturbations actuelles et/ou de faiblesses préexistantes. Quel en sera l’impact?
Portrait de la situation actuelle
Avant tout de chose, il est important de s’interroger sur notre situation actuelle, tant personnelle qu’en affaires :
- Avons-nous été touchés par la fraude pendant la pandémie?
- Sommes-nous plus à risque de fraude maintenant? Si oui, dans quels domaines et pourquoi?
- Quels sont les signaux d’alarme à surveiller?
- Que faisons-nous face à ces signaux d’alarme?
Le point de départ de la réflexion devrait s’effectuer sur les choix effectués depuis le début de la crise sanitaire. Il ne faut pas oublier que l’énergie des six derniers mois fût sans doute largement accordée aux priorités suivantes :
- Le redémarrage des opérations;
- Le contrôle des flux de trésorerie;
- L’élaboration d’une stratégie de respect des mesures de distanciation sociale;
- La révision du modèle économique, des stratégies et du marketing;
- La recherche de nouvelles opportunités commerciales.
Ces nouvelles orientations ont pu laisser certaines activités dans l’angle mort et bouleverser, voir entraîner, le relâchement de certains contrôles internes. Le risque de fraude peut être ainsi accru.
La recherche de signaux d’alarme inclura également les signes de bouleversements chez les employés et les tierces parties. Bon nombre de ménages fonctionnent avec une baisse de revenus et il en va de même pour beaucoup d’entreprises. L’Association of Certified Fraud Examiners (« ACFE ») a noté qu’un quart des fraudeurs avaient des « difficultés financières » apparentes*.
Risques émergents
Outre ces menaces internes, la recherche de risques devra également inclure les nouveaux risques entraînés par ceux qui cherchent à profiter de l’anxiété et de l’incertitude créées par la pandémie. Pensons notamment aux nombreuses tentatives d’hameçonnage et d’usurpation d’identité qui ont cours présentement. De plus, nous notons de plus en plus de fraudes s’attaquant aux virements électroniques.
En outre, le contexte actuel entraînera de nouveaux défis par rapport aux relations avec les fournisseurs et les tierces parties. À ce titre, tous doivent effectuer une évaluation rigoureuse de leurs relations d’affaires et de leurs contrats. À ce sujet, les politiques de signature électronique devraient être examinées avec les conseillers juridiques.
Le recours aux prêts et aux hypothèques pour soutenir le retour aux saines finances peut être attrayant dans le contexte actuel. Cela pourrait néanmoins s’effectuer auprès de particuliers ou d’organisations qui ne sont pas des institutions financières traditionnelles. Pour éviter de devenir la proie des fraudeurs, il est essentiel de mener une diligence raisonnable approfondie pour examiner la réputation du prêteur et examiner le contrat avec un conseiller juridique avant de s’engager.
Aller de l’avant
À la suite de cet état de la situation et de la prise en compte des nouveaux risques potentiels, il sera important d’agir pour adresser de manière planifiée et organisée toute situation inhabituelle identifiée. L’implication du conseiller juridique sera nécessaire pour établir la marche à suivre, ainsi que celle d’un juricomptable afin de bien déterminer les faits financiers. Il est d’ailleurs anticipé que certains litiges financiers pourraient devenir plus fréquents au lendemain de la crise sanitaire. Pensons aux litiges entre actionnaires, aux litiges de détournement d’actifs, aux litiges avec des fournisseurs et aux litiges successoraux. Dans tous ces cas, réunir une équipe spécialisée permettra de limiter les pertes et les conséquences potentielles.
Même si l’on demeure confiant dans notre gestion du risque de fraude, ce serait une erreur de diminuer la vigilance. Il est important de rappeler que, même avant la pandémie, selon un sondage réalisé par MNP en 2017*. la moitié des cadres dirigeants soupçonnaient que leur entreprise avait récemment été victime de fraude, mais croyaient également que les cas de fraude étaient pires ailleurs que dans leur organisation. Cela démontre que certains pourraient être trop optimistes alors que plusieurs risques sont présents, surtout dans le contexte actuel. Ainsi, les organisations devraient demeurer proactives en adoptant un ton sérieux et stricte fasse à la fraude. Cela se fait, entre autres, en effectuant des évaluations des risques de fraude, des ateliers de sensibilisation à la fraude et en communiquant un message clair sur les comportements à adopter.
* Source : ACFE – Report to the Nations, 2020 Global Study on Occupational Fraud and Abuse