Hommage à Marc-André Bédard
Me Jean-Claude Scraire et Me Stéphane Bédard lors de la cérémonie du 31mars 2022 à Chicoutimi en hommage à Me Marc-André Bédard, ancien ministre dela Justice du Québec décédé de la COVID 19 il y a plus d’un an.
31 mars 2022
par Jean-Claude Scraire
Marc-André Bédard a servi les intérêts des Québécoises, des Québécois et du Québec de multiples façons.
Publiquement d’abord comme député de Chicoutimi et comme ministre de la justice et procureur général.
Je me souviens d’une année où son programme de lois à faire adopter avait atteint la vingtaine. Au cours de ses années comme ministre du gouvernement du Parti québécois , il a modifié en profondeur des pans entiers du code civil dont des dispositions majeures visant l’égalité des femmes et des hommes, modifié des dispositions majeures de la charte des droits et libertés notamment sur la non– discrimination, réformé la commission de police, le service de police de la ville de Montréal. Il a introduit le premier système ouvert et transparent de nomination des juges, Il a aboli les tavernes réservées aux hommes sans levée de boucliers grâce à une clause grand-père qui n’a que peu été utilisée. En effet , un an après l’adoption de la loi, il restait très peu de tavernes qui n’avaient pas compris au moins ceci : il était bien préférable pour leurs revenus de laisser entrer les femmes. Il a fait face à une grève des camionneurs et à une grève de la Sureté du Québec.
La décision la plus courageuse de sa vie politique, il la prit au profit des droits des femmes. Ce fut le dossier délicat—- légalement et socialement —-du Dr Morgentaler. Le Dr Morgentaler défendait l’accès à l’avortement pour les femmes et était poursuivi pour avoir pratiqué des avortements. Il avait été acquitté 3 fois par des jurys qui avaient réussi à trouver diverses raisons. Un dossier criminel était encore pendant contre lui le 15 novembre 1976, lors de l’élection qui mena le Parti québécois au gouvernement et Marc-André aux postes de procureur général et ministre de la justice. Reconnaissant et invoquant l’évolution de la pensée sociale au Québec, Marc-André Bédard ordonna un arrêt des procédures contre Dr Morgentaler. Mais surtout il ordonna aussi que plus aucune accusation de ce type ne soit déposée par les procureurs de l’État du Québec. Il invita alors le gouvernement fédéral à modifier le code criminel pour légaliser et encadrer l’avortement. Ce n’est qu’en 1988 que la Cour suprême du Canada déclara inconstitutionnelle la loi contre l’avortement. Le Québec avait dessiné, seul et en avant de tous au Canada, la marche à suivre pour respecter les droits des femmes.
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J’ai rencontré Marc-André Bédard au congrès de fondation du Parti québécois. Il était candidat à l’exécutif national. A la demande de René Lévesque. Et dans son équipe.
Je l’ai vraiment connu en travaillant avec lui à l’Assemblée nationale, après son élection de 1973, dans les années où le parti québécois formait l’opposition officielle avec Jacques-Yvan Morin comme chef soit fin 1973 à 1976 .C’est alors que j’ai découvert ses talents et ses vertus.
Tellement proche des personnes que ce soit dans son comté ou ailleurs. Toujours à s’attarder pour converser avec le monde. Têtu, peut-on dire, ou plutôt persévérant, dans les dossiers qui lui tenait à cœur. Prudent bien sûr, mais avançant en ralliant tous et chacun à son objectif ou à son idée, en unissant, sans se faire d’ennemis. C’est à cette époque aussi que j’ai connu Nicole. La passionaria de l’indépendance du Québec. Puis leurs enfants dont certains que j’aurai l’occasion de mieux connaitre par la suite.
Têtu Marc-André, disais-je. Une anecdote. Quand Marc-André Bédard a été nommé ministre de la justice, il s’est mis dans la tête qu’il voulait m’avoir comme chef de cabinet. Alors que 2 mois plus tôt j’avais pris des engagements avec un bureau d’avocat de Montréal auprès de collègues et amis. Je voulais surtout retourner à Montréal auprès de mes 3 enfants en bas âge. Marc-André m’a parlé 2 fois. Tentant de me convaincre. Et moi j’invoquais surtout mes engagements récents envers le bureau d’avocats. Quelques jours passèrent. Puis l’avocat senior du bureau vint me voir et dit : ‘’ OUIN ! j’ai eu un appel de Monsieur Lévesque. Il parait que tu ne peux pas aller travailler au cabinet à cause de tes engagements ici. Que voulais-tu que je lui dise? Sinon que bien sûr on te libère de tes engagements si tu veux y aller’. Non seulement il était têtu mais il était gentiment et efficacement ratoureux pour atteindre ses objectifs.
Il en fut donc ainsi. Et je vous le dis en toute simplicité et franchise. J’y suis allé parce que c’était Marc-André Bédard. Et avec quelques collègues on a formé une équipe dévouée, intègre et compétente autour et avec Marc-André. A son image. Les Suzanne Lavoie Gaudreau, Francine Boilard, Carole Bissonnette, Céline Porlier , Hélène Grenier … qui sont ici ce soir, avec les Denis Blais, Jean-Claude Dallaire le gars de la région, Violette Dion dans le comté, Coudée aussi dans la région, Micheline Brochu sur les dossiers d’égalité des femmes en liaison avec Madame Payette, Charles Grenier responsable de ces tribunaux qu’il apprécia tellement qu’un jour il est devenu lui-même un juge respecté et vraiment honorable, Jean-Robert Nadeau , décédé tout récemment ,qui avait quitté Radio Canada pour joindre l’équipe et qui devint procureur de la couronne, un des dossiers qu’il avait aimé particulièrement au sein du cabinet. Puis d’autres nous ont suivi. Jocelyne Olivier, Guy Godrot.
Je les remercie ici, parce que Marc-André Bédard, vous le savez , vous qui l’avez connu, aurait insisté pour que je les mentionne et témoigne de leur travail. Car c’était un homme d’équipe. Il n’a jamais pensé changer le monde seul. Mais il pensait que le monde pouvait changer le monde c’est pourquoi il ralliait, il ralliait constamment. S’il était ici, il nommerait tous les militants du Parti québécois qu’il a connus, tous ses collègues députés et ministres, et des membres d’autres cabinets , les Boivin, Carpentier, Tremblay, ses confrères avocats et avocates, les responsables de l’Université du Québec , du CEGEP et de la cathédrale de Chicoutimi , 3 institutions pour lesquelles il s’est tellement dévoué. Il nommerait aussi des dirigeants d’Alcan de la belle époque et de plus récemment s’ils ont bien défendus la région.
En fait vous vous en tirez bien avec moi, car s’il était ici il nommerait tant de gens que vous en auriez jusqu’à tard dans la nuit.
Pour tous ceux-là —-et pour notre équipe——— je rends hommage à Marc-André Bédard, un militant nationaliste et souverainiste inébranlable, le plus grand ministre de la justice que le Québec ait connu, un homme de région et de famille.
Puisse le plus grand nombre s’en souvenir , mais il aimerait qu’on regarde en avant et que j’ ajoute :« Puisse surtout le plus grand nombre s’en inspirer« .