Affaire libyenne : SNC-Lavalin subira un procès

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La firme d’ingénierie québécoise SNC-Lavalin subira un procès concernant des activités passées en Libye. Elle fait face à des accusations de fraude et de corruption. Des accusations que la firme d’ingénierie a l’intention de contester « vigoureusement ».

Le juge Leblond de la Cour du Québec a rendu sa décision en matinée lors d’une audience au palais de justice de Montréal. Il a statué que la Couronne dispose de suffisamment de preuves pour justifier un procès.

La multinationale canadienne a jusqu’au 7 juin pour faire savoir si elle préfère avoir un procès devant jury ou juge seul.

SNC-Lavalin est accusée d’avoir versé 47,7 millions de dollars en pots-de-vin au régime libyen entre 2001 et 2011.

L’enquête préliminaire dans le procès criminel de SNC-Lavalin a commencé le 29 octobre 2018.

La première personne à témoigner était le policier de la GRC Paul Vincelette de la Boissière qui, de 2012 à 2016, a coordonné la preuve dans une enquête.

Le deuxième témoin était Riadh Ben Aïssa, un ancien cadre de SNC-Lavalin. Au total, 12 témoins ont été entendus.

L’enquête préliminaire sur les accusations criminelles qui pèsent sur SNC-Lavalin a pris fin le 1er avril dernier et le juge Leblond a réservé sa décision, laquelle a été rendue publique ce matin.

Le tribunal avait alors émis une interdiction de publication dans ce dossier; il est donc impossible de faire part de la preuve en question.

Accord de réparation refusé

La direction de SNC-Lavalin a tenté d’obtenir un accord de poursuite suspendue plutôt que d’être traduite en procès. La procureure générale du Canada, Jody Wilson-Raybould, a refusé, à l’automne 2018, d’infirmer la décision de la directrice des poursuites pénales, qui s’opposait à toute négociation d’un tel accord.

Cette affaire est vite devenue un boulet pour le gouvernement Trudeau, accusé par Mme Wilson-Raybould d’avoir fait pression sur elle dans ce dossier, ce qu’il a nié. Le premier ministre Justin Trudeau a maintes fois soutenu qu’un procès contre SNC-Lavalin fragiliserait l’entreprise et que des pertes emplois sont à craindre.

Bien qu’elle ait clamé son innocence, l’entreprise s’est préparée l’automne dernier en vue d’une longue bataille judiciaire, car elle s’expose à de graves conséquences si jamais elle devait être reconnue coupable : elle pourrait ne plus pouvoir soumissionner sur les appels d’offres fédéraux pendant dix ans.

Le PDG de SNC-Lavalin, Neil Bruce, a déclaré le 22 février dernier que l’entreprise comptait « se défendre avec vigueur » des accusations qui pèsent contre elle. De plus, il a affirmé que la direction de la firme était très irritée des allégations selon lesquelles elle a agi de manière inappropriée auprès du gouvernement Trudeau.

La firme d’ingénierie, qui souhaite avoir droit à un accord de réparation, s’est tournée vers la Cour d’appel fédérale le 5 avril dernier dans le but d’échapper à un procès pour corruption.

Elle a fait valoir les témoignages devant le comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes pour étoffer sa cause et parvenir à une entente. La compagnie a indiqué que ces témoignages ont révélé des « faits troublants ».

L’entreprise prête à en découdre

Dans un communiqué publié mercredi, la firme de génie québécoise prend acte de la décision du juge Leblond mais précise qu’elle a la ferme intention de se défendre.

« SNC-Lavalin entend contester vigoureusement ces accusations et plaider non coupable dans l’intérêt de ses employés, partenaires, clients, investisseurs, retraités et autres parties prenantes », peut-on lire dans le communiqué.

Nous déciderons de la meilleure façon de faire valoir notre cause et des arguments juridiques sérieux que nous allons présenter pour continuer de nous défendre vigoureusement afin d’obtenir le jugement souhaité et un acquittement.

Neil Bruce, président et chef de la direction de SNC-Lavalin

Expliquant que les faits qui sont reprochés à la compagnie aujourd’hui se seraient produits il y a de 7 à 20 ans, Neil Bruce assure que l’entreprise n’est plus du tout ce qu’elle était à cette époque et que les employés visés par cette affaire ne sont plus à l’emploi de SNC-Lavalin depuis longtemps.

« SNC-Lavalin est une entreprise qui s’est complètement transformée », plaide Neil Bruce dans le communiqué.

Des réactions brèves et nuancées

Le premier ministre Justin Trudeau a refusé de commenter cette affaire judiciaire.

« On a énormément confiance dans notre système justice indépendant. On ne va pas faire de commentaires sur les processus qui sont actuellement devant la cour. C’est sûr qu’une de mes responsabilités a toujours été de protéger des emplois et c’est toujours quelque chose qu’on va chercher à faire », a-t-il affirmé.

Pour sa part, le procureur général du Canada et ministre fédéral de la Justice, David Lametti, s’est limité à dire : « Je suis le dossier de très près ».

De son côté, le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, a démontré une certaine crainte de voir ce fleuron québécois quitter le pays.

« Je voudrais certainement que SNC-Lavalin puisse continuer d’être une des grandes compagnies mondiales dans le domaine de l’ingénierie, puis c’est une compagnie qui est au Canada, qui est au Québec. J’aimerais cela qu’elle reste là. Ce sont eux qui doivent prendre leurs propres décisions basées sur leur situation financière et d’autres facteurs. Mais j’espère qu’ils vont rester au Québec. On est très fier de cette compagnie qui existe depuis presque 100 ans », a-t-il déclaré.

Source : Radio-Canada