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Lutte contre l’impunité en Colombie : un Tribunal alourdit la peine de deux militaires condamnés pour violences sexuelles
Avocats sans frontières Canada (ASFC) salue une décision rendue par le Tribunal d’appel de Popayán condamnant deux militaires colombiens accusés d’avoir commis, en 2009, des actes de violence sexuelle contre une femme autochtone dans le village de La Maria, situé dans la localité de Jambaló (Département de Cauca).
Pour Stelsie Angers, représentante d’ASFC en Colombie : » Nous célébrons non seulement ce pas de plus qui a été franchi pour assurer la dignité des victimes de violences basées sur le genre, mais également ce que cela signifie pour l’évolution du droit colombien. La portée du jugement laissera sans doute des empreintes durables qui permettront de mieux lutter contre l’impunité. Les arguments invoqués par la défense dans ce type de procès, qui s’appuient encore trop souvent sur l’attitude des victimes, n’ont tout simplement plus leur place ».
Depuis plus de trois ans maintenant, l’équipe d’ASFC en Colombie a accompagné et soutenu la victime et sa famille, notamment en facilitant l’accès à des services de représentation juridique, en contribuant à la documentation du cas et en assistant aux audiences.
Rappel des faits
Le 19 décembre 2016, Hector Elias Lujan Sanchez et Carlos Alberto Pulgarin Ramirez, des militaires affectés au Bataillon Pichincha à Cali, ont été condamnés par la Cour pénale du Circuit spécialisé de Popayán à 13,3 ans de prison. Dans une décision du 7 avril 2017, le Tribunal de Popayán a confirmé en appel la décision de première instance.
En plus des dommages psychologiques graves qui ont été démontrés lors du procès, la victime a non seulement subi un déplacement forcé, mais elle a aussi reçu plusieurs menaces de mort et a fait face à plusieurs tentatives de subornation par les accusés.
Le Tribunal, qui a accueilli favorablement les arguments de la Corporation Justice et Dignité, organisation partenaire d’ASFC qui assure la représentation de la victime, ainsi que ceux présentés par la poursuite en appel, a alourdi la peine des accusés à 16,75 ans de prison compte tenu de la gravité du comportement et du préjudice réel causé à la victime.
Défense : des arguments qui contreviennent au droit international
Dans son argumentation, la défense s’est basée sur des stéréotypes de genre, notamment en mettant de l’avant que les agissements de la victime ne représentaient pas un comportement jugé normal pour une femme victime de violence sexuelle. Cette évaluation a notamment été fondée sur le fait qu’elle est restée à l’endroit où les événements se sont produits.
Toutefois, il a été démontré que cette interprétation contrevient aux dispositions des normes internationales concernant la preuve dans les cas de violence sexuelle, en particulier la règle 70 du Règlement de Procédure et de Preuve du Statut de Rome. Le Règlement prévoit précisément que le consentement de la victime ne peut pas être déduit de son comportement.
Considérant que le gouvernement colombien a intégré dans le droit interne ces normes de preuve par l’adoption de la loi 1719 (2014), la référence à ce type d’arguments dans un cas de violence sexuelle s’est donc avéré irrecevable.
Le Tribunal d’appel dénonce des arguments rétrogrades
Dans sa décision, le Tribunal d’appel a rappelé à l’ordre la défense en mentionnant notamment que :
« Les diverses manifestations du défenseur suivent une pensée rétrograde qui va au-delà de la sphère des convictions morales et éthiques personnelles, le domaine de la transgression à la dignité d’autrui de manière grotesque et injustifiable ».
Le Tribunal a ajouté que la réaction se fondait plutôt sur les agressions qui lui ont été infligées par des soldats lourdement armés qui ont généré la peur chez la victime, compte tenu de son éloignement de toute communauté qui, au moment des faits, aurait pu lui venir en aide.
Redonner un sens au mot dignité
Les violences basées sur le genre constituent l’une des violations les plus courantes des droits humains dans le monde et constitue un chantier prioritaire au sein des programmes et des projets de coopération menés par ASFC dans ses pays d’intervention.
A la suite de ce jugement, ASFC encourage donc les officiers de la justice colombiens à continuer d’incorporer dans leurs décisions une approche différentielle garantissant ainsi le droit d’accès à la justice pour les femmes victimes de violence basée sur le genre à l’intérieur et à l’extérieur du conflit armé.