Déconfinement et reprise des activités judiciaires

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Lettre de l’Association des avocats et avocates de province 

Monsieur le ministre,

Mesdames et Monsieur les juges en chef,

L’Association des avocats et avocates de province (AAP) vous adresse la présente lettre afin d’effectuer un suivi de nos échanges du mois d’avril dernier.

À ce moment, nous désirions attirer votre attention sur nos inquiétudes relativement à la centralisation des activités judiciaire vers des palais désignés, situation vécue dans nos régions. Aujourd’hui, nous désirons vous relayer les 2 inquiétudes de nos membres face au plan de déconfinement mis en place depuis un peu plus d’un mois.

Bien avant le mois de mars, des travaux de modernisation dans le système judiciaire étaient sur la planche à dessin. La modernisation et l’implantation de moyens technologique dans l’espace juridique étaient des sujets omniprésents. Nous sommes heureux de constater que la justice a pris le virage technologique à grande vitesse. Les auditions par conférence téléphonique et par visioconférence facilitent le travail de nos membres à plusieurs égards. L’implantation du greffe virtuel évite le déplacement des avocats, les délais postaux et réduit de ce fait les frais au client. Nous constatons toutefois que nos membres craignent que la sortie du papier des palais de justice n’entraine la sortie des avocats des palais de justice, ce qui doit être évité.

Nous tenons à souligner d’abord que les auditions en visioconférence limitent grandement le support moral que l’avocat peut offrir à son client dans de nombreuses causes où cette assistance est très importante, comme en matière familiale, en protection de la jeunesse, en criminel et en matière de santé mentale.

L’utilisation de moyens technologique suppose que les avocats soient déjà équipés adéquatement pour tenir les auditions en visioconférence. Or, ce n’est pas le cas partout. Les avocats en pratique privée, dont certains ont été sans revenu pendant plusieurs semaines durant la pandémie, ne bénéficient d’aucune subvention ni autre aide financière gouvernementale pour améliorer leurs équipements informatiques. Certaines de nos régions du Québec ne sont même pas desservies par un réseau suffisamment puissant pour permettre une efficacité de cette utilisation technologique selon les spécificités des applications utilisées. Cela entraine des difficultés pour les avocats, mais a également un impact pour les clients, les témoins et le personnel des greffes. De plus, il nous semble important de soulever qu’il n’est pas de la responsabilité des avocats de prendre à leur charge l’installation de locaux permettant à leur client d’accéder à un espace physique afin de procéder à une audition en visioconférence, ni de renseigner les parties non représentées de toutes les nouvelles mesures et utilisations de ces moyens technologiques.

La tenue d’audition en visioconférence est grandement appréciée pour les gestions des dossiers, les appels du rôle, les incidents procéduraux, mais inquiète nos membres lorsque les causes entendues nécessitent des témoignages. Il nous a été rapporté diverses craintes quant à l’intégrité des témoignages, au respect du secret professionnel et de la confidentialité des discussions entre client et avocat lors d’auditions par visioconférence. Certains ont aussi soulevé que l’absence des justiciables en salle de cour et l’absence du 3 décorum l’accompagnant soit de nature à miner la crédibilité des Tribunaux et leur autorité.

Nous tenons à remercier Madame la juge en chef Rondeau et Monsieur le juge en chef Fournier pour les réponses fournies à notre lettre du 1er avril 2020. Nous vous remercions également pour votre patience et les mesures d’accommodement que vous offrez à nos consoeurs et confrères qui ont vécu des situations difficiles depuis le début de la pandémie.

Nous vous réitérons la disponibilité de l’AAP pour vous appuyer dans vos différences démarches et recommandations afin de faciliter l’accès à la justice dans toutes les régions du Québec.

Veuillez agréer, Monsieur le ministre, Mesdames et Monsieur les juges en chef, nos salutations distinguées.

 

Me Alexandra Bourgeois, avocate

Présidente de l’Association des avocats et avocates de province

C.c. : Me Paul-Matthieu Grondin

Bâtonnier du Québec

batonnier@barreau.qc.ca

 

L’Association des avocats et avocates de province existe depuis 1928 et compte plus de 6 600 membres, soit les avocats et avocates exerçant à l’extérieur des Barreaux de Montréal et de Québec et de l’Outaouais. L’AAP représente les intérêts de ses membres auprès de différentes instances, dont le Barreau du Québec, la direction des différentes cours au Québec et les gouvernements provincial et fédéral. L’AAP est un forum de rencontre et de discussions pour les Bâtonniers des douze sections qui la composent. Le conseil d’administration compte douze membres, soit un membre provenant de chaque section. www.avocatsdeprovince.qc.ca