Deux ouvrages publiés par les Editions Thémis «La Faculté de droit de l’Université de Montréal et la communauté juive» sous la direction de Jean Hétu, Ad.E., Professeur titulaire et Emmanuelle Amar, LL.M. avocate.

A+ A- A
Deux ouvrages publiés par les Editions Thémis «La Faculté de droit de l’Université de Montréal et la communauté juive» sous la direction de Jean Hétu, Ad.E., Professeur titulaire et Emmanuelle Amar, LL.M. avocate.

L’autre livre intitulé «Mon histoire» est le récit passionnant des mémoires de l’honorable Herbert Marx, ancien professeur à la Faculté, ministre au gouvernement du Québec et juge à la Cour supérieure de Montréal.

Le doyen de la Faculté, Me Jean-François Gaudreault-Desbiens a animé le lancement au Musée McCord, le 9 octobre 2018 en présence de plusieurs personnalités dont l’honorable juge à la retraite Morris Fish de la Cour suprême du Canada, maintenant «juriste en résidence» au cabinet Davies Ward Phillips & Vineberg de Montréal.

​​LA FACULTÉ DE DROIT DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

​​Une institution d’origine catholique, mais ouverte à tous

L’histoire de la Faculté de droit de l’Université de Montréal remonte à 1878. Après la fermeture en 1866 de la première École de droit fondée en 1851 par Maximilien Bibaud au Collège Sainte-Marie, l’archevêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget, entreprit de nombreuses démarches pour l’établissement à Montréal d’une deuxième université catholique francophone dans la province. Mais l’Université Laval s’y opposa en voulant conserver son monopole sur l’enseignement universitaire dans la province. Un compromis fut trouvé avec la création d’une succursale de l’Université Laval à Montréal afin « de pourvoir en quelque manière à l’instruction supérieure de ces jeunes gens de Montréal qui ne peuvent fréquenter l’Université Laval, comme aussi d’empêcher que les écoles de droit et de médecine, existant dans ladite ville, ne continuent d’être affiliées à des universités protestantes, et beaucoup plus encore que les étudiants catholiques ne fréquentent de telles universités ». C’est ainsi que fut inaugurée en janvier 1878 la Succursale de l’Université Laval à Montréal avec les facultés de théologie et de droit. Plus précisément l’ouverture solennelle des cours de la Faculté de droit eut lieu le 1er octobre dans la salle de conférence du Cabinet de lecture paroissial appartenant aux Sulpiciens, situé dans le Vieux-Montréal à l’angle des rues Notre-Dame et Saint-François-Xavier. Une quarantaine d’étudiants étaient inscrits pour suivre les cours dispensés par la Faculté de droit. En 1920, l’Université de Montréal cessera d’être une succursale de l’Université Laval et obtiendra sa pleine autonomie.

Même si la Succursale de l’Université Laval à Montréal était destinée à recevoir des étudiants catholiques de langue française, la Faculté de droit n’a jamais fermé ses portes aux autres étudiants. De fait, nous remarquons que dès les premières années suivant sa fondation, plusieurs étudiants d’origine anglo-saxonne sont diplômés de cette faculté. Qui plus est, des étudiants appartenant à la communauté juive s’inscrivent sans problème pour suivre des cours de droit. Le premier à le faire est, semble-t-il, Samuel William Jacobs qui s’inscrit à la Faculté en octobre 1891 pour obtenir un baccalauréat en droit en 1895. Ce dernier va fonder en 1897 le Jewish Times, soit le premier journal juif de langue anglaise au Canada, en plus d’être député de la circonscription montréalaise de Georges-Étienne-Cartier au Parlement fédéral. On pourrait aussi mentionner le nom de Peter Bercovitch qui est admis à la Faculté le 6 septembre 1904 pour obtenir une licence en droit le 5 juin 1906. Avocat, il sera le premier représentant de la communauté juive à se faire élire député à l’Assemblée législative de Québec en 1916. Par la suite, de plus en plus d’étudiants d’origine juive viendront étudier le droit à la Faculté de droit, notamment durant les années 1930 alors que d’autres institutions font preuve de discrimination à leur égard. Plusieurs de ces diplômés joueront un rôle important non seulement dans leur communauté, mais aussi sur la scène provinciale et nationale; leur nom apparaît dans cette publication.

La présence relativement importante à l’Université de Montréal d’étudiants autres que canadiens-français n’était pas sans susciter certaines critiques. Nous retrouvons ainsi dans Le Quartier Latin du 25 avril 1941 une lettre adressée à Mgr Émile Chartier, vice-recteur de l’Université, qui se lit ainsi :

« Notre Université catholique fait-elle œuvre nationale en donnant l’opportunité aux étrangers l’avantage de s’instruire dans les sciences qui conduisent aux professions libérales. Ces étrangers, un jour, ou l’autre ne feront-ils pas tort aux nôtres? »

En plus de déclarer que toute autre lettre de même nature serait dorénavant jetée, le vice-recteur de l’Université répondait ce qui suit :
« Votre lettre part de cette idée que l’Université de Montréal est catholique et canadienne-française.

Du fait qu’elle est catholique, il suit deux choses : que ses professeurs et leur enseignement doivent l’être aussi; que ceux qui s’y présentent comme élèves acceptent cette instruction. Il ne suit pas du tout qu’on doive être catholique pour y être admis comme étudiant.

Quant à votre autre point de départ, il me faut bien vous apprendre que notre maison n’est ni canadienne-française ni française. Elle est québécoise : ce qui veut dire que, située dans la province de Québec, elle est soutenue en partie par des fonds venus du trésor provincial. Comme ce trésor est alimenté par les impôts par ceux que vous appelez des étrangers tout autant que par l’argent des Canadiens-français, l’Université ne peut fermer ses portes à personne que la province a admis à vivre chez elle. Elle ne peut avoir qu’une exigence : qu’ils se soumettent à un règlement pédagogique, disciplinaire et financier.
Et elle prétend bien, en les admettant, faire juste le contraire d’une œuvre antinationale. »

Bref, le vice-recteur de l’Université de Montréal déclarait publiquement que cette institution était ouverte à tous les Québécois quelle que soit leur origine. Une tradition qui s’est toujours maintenue à la Faculté de droit comme l’a déjà souligné, par exemple, le juge Alan B. Gold lorsqu’il affirma qu’il avait été agréablement surpris par l’accueil chaleureux qu’il avait reçu en arrivant à la Faculté en septembre 1938 de la part de ses confrères de classe et des professeurs. La constitution en 2003 de l’Association des étudiants juifs en Droit (AEJD) facilite aujourd’hui l’intégration de ces étudiants.

Autrefois, le corps professoral était composé uniquement de chargés de cours dont un grand nombre faisait partie de la magistrature. C’est seulement avec la rentrée universitaire de septembre 1944 qu’on salua en la personne de Maximilien Caron le premier professeur à temps plein; ce dernier a donné son nom au bâtiment où loge maintenant la Faculté. Par ailleurs, il a fallu attendre vingt-cinq ans de plus pour voir l’engagement en 1969 d’un premier professeur à temps plein de confession juive; il s’agissait de Herbert Marx, licencié en droit en 1967, qui deviendra également en 1985 le premier ministre de la Justice du Québec d’origine juive. Un prix de rédaction juridique porte son nom. Aujourd’hui deux autres professeurs titulaires s’identifient à cette même communauté; ce sont les professeurs Jeffrey Talpis et Gérald Goldstein. D’autres ont été engagés simplement comme chargés de cours ou comme professeur invité. À cet égard on pourrait mentionner le nom du juge Morris J. Fish qui enseigna le droit criminel de 1969 à 1971 ainsi que la contribution de l’honorable Yoine Golstein qui enseigna le droit de la faillite pendant de nombreuses années.

Par cette publication, la Faculté de droit de l’Université de Montréal veut rappeler les liens historiques qu’elle a tissés au fil des ans avec les juristes de la communauté juive de Montréal. Elle veut souligner le fait que la Faculté a toujours eu une politique de portes ouvertes à leur égard, et ce, dès les premières années de sa fondation. Aujourd’hui, la Faculté se réjouit que ces diplômés aient connu un rayonnement exceptionnel dans la société québécoise et canadienne. Ils ont su maintenir la tradition d’excellence de la Faculté de droit et font partie de la grande famille de juristes issus de l’Université de Montréal.

44185967_2403178513056037_2501560751882240000_n

Jean Hétu, Ad.E.
Professeur émérite

Photos prises par le photographe de la Faculté