Investir davantage dans la justice

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Alors que le gouvernement du Québec s’apprête à déposer son budget pour 2016-2017, le Barreau du Québec dresse la liste des principaux secteurs de la justice qui doivent absolument être considérés dans l’attribution des fonds publics.

« On ne cesse d’invoquer le problème criant de l’accès à la justice pour les citoyens québécois et le besoin de développer des solutions concrètes pour y remédier », déclare la bâtonnière du Québec, Me Claudia P. Prémont, Ad. E. « Mais, faut-il le rappeler, un meilleur accès à la justice passe par la volonté politique et l’allocation des fonds appropriés », ajoute Me Prémont.

Réduire les inégalités fiscales
De moins en moins de citoyens ont les moyens financiers pour protéger leurs droits. Les entreprises peuvent généralement bénéficier de déductions pour leurs frais de justice, alors que les citoyens n’y ont pas droit, sauf dans de rares exceptions. Le Barreau du Québec demande depuis de nombreuses années que des mesures fiscales associées aux services juridiques ou à la médiation fassent partie des moyens déployés pour favoriser l’accès à la justice, et qu’on aplanisse ainsi les inégalités fiscales entre les entreprises et les personnes ayant recours au système de justice.

Le Barreau du Québec demande au gouvernement du Québec qu’il introduise un crédit d’impôt annuel et remboursable relié aux frais de justice admissibles pour un maximum de 1 000 $. Les frais de justice admissibles seraient définis par règlement et comprendraient notamment les honoraires et les frais juridiques, les timbres judiciaires, débours et autres frais judiciaires, les frais de médiation, de conciliation ou d’arbitrage et les primes d’assurance juridique. Ce crédit serait limité aux contribuables dont les revenus seraient inférieurs à un certain seuil établi par règlement.

Cette mesure est d’autant plus nécessaire avec la hausse du tarif judiciaire en matière civile.
Justice dans le Nord
Si on s’inquiète de l’état de la justice au Québec, on devrait être stupéfait de ce qui se passe au-delà du 49e parallèle. La justice offerte aux populations nordiques est, ni plus ni moins, une justice de seconde zone. La démographie croissante, la pénurie d’avocats et le nombre insuffisant de palais de justice nécessitent un investissement massif des gouvernements afin de remettre le Grand Nord à niveau. Avec le développement économique du Nord envisagé, qui sollicitera de manière importante les infrastructures existantes, le statu quo n’est pas une option envisageable et les communautés nordiques sont en droit d’avoir accès à une justice de qualité.

En janvier 2015, le Barreau du Québec rendait public La justice dans le Nord, un rapport sur quatre missions auprès des communautés autochtones du Grand Nord québécois énonçant douze constats sur l’accès et les enjeux de la justice au nord du 49e parallèle et des pistes de solutions. Le Barreau demande au gouvernement de mettre les ressources humaines et matérielles nécessaires pour que le système de justice s’enracine dans le Nord-du-Québec tout en respectant la culture des communautés autochtones.
Informatisation de la justice
Les nouvelles technologies ont modifié la vie quotidienne des citoyens et la pratique du droit. Les citoyens veulent davantage de services en ligne et voir leur facture de services juridiques s’alléger grâce aux technologies qui permettent d’économiser temps et argent. La réalité de la relation entre technologie et monde juridique est malheureusement désolante. Le système de justice québécois croule sous une montagne de papier, et la majorité des équipements et infrastructures ne répondent pas aux exigences du nouveau millénaire. Le Barreau s’inquiète de la capacité du système actuel de répondre aux attentes et aux besoins des citoyens en matière d’accès à la justice sans l’apport technologique nécessaire.

Le Barreau demande au gouvernement qu’il s’engage dans des réformes majeures pour moderniser la justice et son administration, et qu’il présente un plan d’action et d’investissements s’accordant avec l’application du nouveau Code de procédure civile.
Pénurie de médecins au TAQ et manque d’effectifs
Le Barreau du Québec dénonce une situation qualifiée de critique à la Division de la santé mentale du Tribunal administratif du Québec (TAQ) en raison de la pénurie de psychiatres. Rappelons que la Division de la santé mentale du TAQ traite, d’une part, les dossiers découlant de l’application de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, et, d’autre part, ceux concernant la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM). La situation est jugée telle qu’elle pourrait affecter les droits fondamentaux de citoyens vulnérables et mettre en jeu la sécurité publique.

Par ailleurs, il manque également des médecins pour traiter les dossiers d’indemnisation à la Section des affaires sociales du Tribunal. Le manque de médecins et de psychiatres au TAQ est directement lié à leurs conditions salariales peu attrayantes et non concurrentielles. Le gouvernement doit fournir au TAQ les ressources nécessaires lui permettant de réaliser son mandat.

Fonds Accès Justice
Institué par la loi en 2012, le Fonds Accès Justice a été conçu comme un outil destiné à favoriser l’accès à la justice. Ce fonds spécial est en bonne partie financé par une contribution obligatoire sur les constats d’infraction aux lois et règlements du Québec. Il permet de financer le service de médiation en matière familiale, les centres de justice de proximité et le service administratif de révision des pensions alimentaires pour enfants.
Le Fonds Accès Justice a aussi été créé pour améliorer la connaissance et la compréhension du droit et de la justice par les citoyens. Or, depuis sa création, il n’y a eu qu’un seul appel de projets alors que les besoins en justice fusent de toutes parts.

Le Barreau du Québec demande expressément au gouvernement de s’assurer que des sommes provenant du Fonds Accès Justice soit allouées à de nouveaux projets en matière d’accès à la justice et qu’elles soient effectivement utilisées à cet effet.

Le Barreau du Québec prendra par ailleurs connaissance du Budget de dépenses 2016-2017 qui sera présenté par le Conseil du trésor pour examiner les crédits alloués au ministère de la Justice.

Le Barreau du Québec

Le Barreau du Québec est l’Ordre professionnel de plus de 25 500 avocats et avocates. Ses positions sont adoptées par ses instances élues à la suite d’analyses et de recommandations de ses comités consultatifs. Afin d’assurer la protection du public, le Barreau du Québec surveille l’exercice de la profession, fait la promotion de la primauté du droit, valorise la profession et soutient ses membres dans l’exercice du droit.