Je me souviens A la mémoire de Max Gros-Louis

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Je me souviens  A la mémoire de Max Gros-Louis

Par André Gagnon

 

Mon cher ami Max,
Que de belles rencontres nous avons partagées lorsque j’étais journaliste à la Tribune de la presse parlementaire à Québec au début des années 1970. Nous nous croisions souvent toi et ton épouse de l’époque au restaurant fréquenté par les parlementaires et les journalistes appelé l’Aquarium ou Chalet Suisse, dans le Vieux-Québec à deux pas du Château Frontenac et de chez moi, rue Haldimand.
Gaston Perrin, Québécois d’origine suisse, ami de René Lévesque et de nombreuses personnalités politiques de toutes couleurs, gens d’affaires du Québec, avocats de la Couronne et de la défense, qui possédait ce restaurant de très bonne qualité, était un grand ami du Chef huron, que tous aimaient.
Haut de stature, presque toujours accompagné de sa jolie femme très grande elle aussi, Max était une célébrité de Québec qui ne laissait personne indifférent surtout lorsque après avoir fait connaissance avec lui et que l’on découvrait qu’il était un Grand Chef autochtone, représentant de la nation huronne Wendat si chère aux Français qui les désignaient ainsi parce qu’ils portaient la hure, la touffe de cheveu si caractéristique à l’époque de la Nouvelle France.
Né sur ce qui était autrefois la réserve huronne de l’Ancienne Lorette où il a fait ses études primaires et secondaires, Max Gros-Louis s’est intéressait au commerce des raquettes à neige fabriqués selon la tradition au village Huron en babiche de chevreuil originale ainsi que des mocassins en cuir de gibier et autres produits de la chasse locaux vendus dans des magasins-kiosques en divers endroits de la région de Québec procurant ainsi du travail aux gens de sa communauté et aux autres autochtones du Québec. Une véritable industrie autochtone non encore piratée par Hong Kong ou Taiwan à cette époque.
Max était aussi connu à travers les ondes de la télévision pour ses mini-concerts de tambour autochtone ou tamtam diffusés durant les intermèdes des matchs des Nordiques de Québec affrontant toutes les équipes de la Ligue Nationale de Hockey au Colisée de la vieille capitale. Que de beaux souvenirs sont disparus avec le départ de cette fière et légendaire organisation de hockey lancée par le mythique ancien premier ministre du Québec, Jean Lesage, qui a dirigé «l’équipe du tonnerre de la Révolution tranquille de 1960» prenant la relève de Maurice Duplessis et mis le Québec sur les rails de la modernité et de l’ouverture.
Un certain jeune avocat d’affaires de Québec, Me Marcel Aubut, émule de Jean Lesage, appréciait les solos de tamtam autochtone de Max Gros-Louis dans les gradins du Colisée qui avait aussi vu évoluer des hockeyeurs renommés, Jean Béliveau, Guy Lafleur sans oublier le légendaire Maurice Richard qui fut pendant une courte période instructeur des Nordiques.
Max Gros-Louis ce n’était pas que le tamtam huron. Il a été le porte-étendard des nations autochtones du Québec, du Canada et de tous les pays qui n’ont pas encore compris qu’ils ne peuvent mettre de côté ceux qui ont accueilli les soit-disant conquérants européens qui les ont dépossédés de leurs territoires ancestraux et les ont réduits presqu’à l’esclavage après que ces derniers les avaient aidés à leur arrivée ici et ailleurs au début, à survivre littéralement.
J’ai été témoin malgré moi de la dernière dispute en public de Max Gros-Louis avec son épouse au restaurant l’Aquarium qui s’est soldée par la séparation définitive du couple lorsque Mme Gros-Louis a quitté en trompe la rue Ste-Anne dans sa décapotable vers l’heure du souper par une belle soirée d’automne. Quel spectacle de désolation. Mon ami Max s’en n’est peut-être jamais remis.
Quel beau couple ils faisaient tous les deux. Ce fut notre dernière rencontre. Puis le tamtam s’est tu peu à peu au Colisée…Max Gros-Louis a participé au renouveau dans les relations du Québec avec ses nations autochtone grâce à des gens comme notre confrère journaliste, feu Bernard Cleary du journal Le Soleil. Originaire du Saguenay-Lac Saint-Jean qui a aussi enseigné le journalisme à l’Université Lava et fut député fédéral du Bloc Québécois de 2004 à 2006 avant d’être atteint de la maladie d’Azheimer qui l’a emporté après l’avoir combattue pendant des années.
Nos amis, nos frères autochtones, nous ont laissé un héritage de résilience, de courage et de détermination devant l’adversité et la maltraitance que les gouvernements leur ont infligée en notre nom. L’histoire récente de l’hôpital de Joliette nous le rappelle encore trop vivement. Ces amis qui nous ont quittés ont laissé des témoignages vibrants d’intelligence et de désir de vivre normalement avec nous de façon communautaire dans le respect de leurs droits ancestraux. Car ils étaient sur «nos territoires» depuis au moins 40,000 ans selon les récentes découvertes archéologiques et anthropologiques qui font preuve de leur présence au Québec et au Canada.