La justice concernant le prêt d’études
Pourquoi les diplômés en droit canadiens tendent-ils à s’installer dans les grandes villes? Pourquoi est-ce un problème? C’est peut-être parce qu’ils ne peuvent pas se permettre financièrement de travailler ailleurs. Un récent sondage effectué en Ontario a révélé que la plupart des étudiantes et étudiants sont endettés, et que les diplômés auront à rembourser, en moyenne, une dette de plus de 83 000 $ accumulée avant la fin de leur dernière année d’études en droit. Pour un grand nombre d’entre eux, cela signifie qu’ils financent leurs études au moyen de prêts du gouvernement, de bourses et de prêts privés tels que des marges de crédit. Une fois leur diplôme en poche, ils sont obligés d’accepter des emplois très bien rémunérés dans les centres urbains pour pouvoir rembourser ces dettes. En raison de ce regroupement des avocats et avocates dans les grandes villes, les petites communautés et les enjeux juridiques de moindre ampleur sont négligés, contribuant à la crise de l’accès à la justice dans ce pays.
Les sections des étudiants et étudiantes en droit et des jeunes juristes de l’Association du Barreau canadien (l’ABC) ont écrit à la ministre de l’Emploi, Patty Hajdu, exhortant le gouvernement à élargir la portée de son programme d’exonération de remboursement des prêts d’études à l’intention des médecins de famille et du personnel infirmier qui exercent dans les régions rurales et éloignées pour y inclure les juristes en début de carrière. Tout comme une grave maladie peut découler de problèmes de santé mineurs non traités, les problèmes juridiques que l’on néglige peuvent se répercuter sur d’autres domaines de la vie des gens, nuisant, dans bien des cas, à leur santé, à leur emploi et à leur hébergement.
« Étendre l’exonération du remboursement des prêts aux nouveaux juristes profiterait à tous », affirme Kang Lee, président de la Section des jeunes juristes de l’ABC. « Cela donnerait à la population des régions rurales et éloignées un meilleur accès aux conseils juridiques, car pour les diplômés en droit, il serait financièrement viable d’accepter des postes en milieu rural ou éloigné qui pourraient être plus gratifiants du point de vue professionnel. »
« Le coût élevé des études en droit est un obstacle infranchissable pour les étudiants doués qui proviennent de milieux à revenus modestes. S’ils ne peuvent envisager un avenir autre que des années de travail acharné permettant à peine de rembourser une énorme dette, ils préfèrent d’emblée y renoncer », dit Kanika Sharma, présidente de la Section des étudiants et étudiantes en droit de l’ABC. « Pourtant, la profession juridique a besoin de cette diversité d’antécédents et de points de vue pour servir ceux et celles qui seraient nos clients. »
Alors qu’il existe une juxtaposition de solutions dans les différentes régions du pays en fonction de la province et de l’ampleur de la dette, les étudiants et étudiantes en droit et les jeunes juristes demandent au gouvernement fédéral de faire preuve de leadership en concevant une réponse à ce problème, qui soit à la fois exhaustive et d’envergure nationale.
Les populations dans les communautés rurales et éloignées tendent à avoir de plus grandes difficultés à accéder aux services juridiques que celles des centres urbains. Parmi ces difficultés figurent, notamment, une pénurie d’options de transports à des prix abordables, des technologies numériques et de communication plus limitées, et un nombre limité de fournisseurs de services.
Il y a, et de loin, beaucoup moins de professionnels qui exercent dans les milieux ruraux et éloignés. À titre d’exemple, en 2016, 75 % des avocats et avocates en Colombie-Britannique exerçaient à Vancouver, Victoria et Surrey.
Il y a, et de loin, beaucoup moins d’options publiques et gratuites pour obtenir une assistance juridique dans les régions rurales et éloignées.
Le coût annuel moyen des études pour les programmes de common law au Canada en 2017-2018 était de 17 000 $. En 2018-2019, la Faculté de droit de l’Université de Toronto avait les frais annuels les plus élevés : 36 720 $.
Le sondage mené par la Law Students Society of Ontario en 2014, intitulé Just or Bust, suggérait que seulement 40 % des personnes qui étudient obtiennent leur diplôme de premier cycle sans s’endetter. Cela signifie que la plupart entameront leur prochain cycle en ayant déjà une dette. Pourtant, 61 % des répondants ont déclaré avoir entamé leurs études de droit sans être endettés, ce qui pourrait vouloir dire que les étudiants et étudiantes endettés allaient moins probablement choisir des études en droit.
En outre, selon ce sondage, la combinaison de prêts et de bourses à la disposition des étudiants et étudiantes en droit couvrirait moins de la moitié des frais d’inscription à l’Université de Toronto.