La justice sous l’œil du Barreau du Québec Grandes réformes, enjeux de structure et vigie attentive
À moins d’un mois de la fin de son mandat, la bâtonnière du Québec, Me Johanne Brodeur, Ad. E., Barreau du Québec livre un état de la situation sur les grands enjeux de la justice qui ont fait l’objet d’un suivi attentif par le Barreau et sur ceux qui continuent de le préoccuper.
Administration de la justice, vigie législative et modernisation du système professionnel sont les thèmes sous lesquels se répartissent la douzaine de sujets commentés par la bâtonnière Brodeur. « Cet exercice n’est pas un bilan, précise Me Brodeur. C’est un instantané des dossiers qui nous préoccupent alors que je m’apprête à transmettre mon bâton de bâtonnière à mon successeur. » Insistant sur la pérennité de la mission de l’Ordre et sur l’importance de la continuité dans les dossiers visant la protection du public, l’accès à la justice et la protection des droits fondamentaux, Me Brodeur rappelle à cet effet « que le travail du bâtonnier, axé sur la mission de l’institution, est un peu celui du passeur.»
Administration de la justice
L’enjeu central de l’administration de la justice va de pair avec l’amélioration de son accessibilité. En vigueur depuis plus d’un an, la plus récente réforme de l’assurance-emploi a fait l’objet de plusieurs observations et commentaires du Barreau du Québec à la Commission nationale d’examen de l’assurance-emploi en octobre 2013. Le Barreau a notamment remis en question l’équité procédurale des méthodes introduites par cette réforme législative et a déploré le fait que les modifications tant procédurales que substantives qui ont été apportées au régime d’assurance-emploi vont à l’encontre des indications du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations-unies et sont difficilement compatibles avec l’esprit du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. « Travailler à améliorer l’accès à la justice pour les citoyens du Nord, informatiser l’administration de la justice québécoise ont aussi partie liée avec des enjeux d’équité, d’efficacité et de modernité, à l’heure où s’inscrivent des réformes importantes (Code de procédure civile, assurance-emploi, Code des professions, etc.) qui entraîneront assurément des enjeux de structure », a rappelé Me Brodeur.
Vigie législative
Protecteur de l’état de droit et du débat démocratique, le Barreau du Québec poursuit sa vigie sur les projets de loi aux paliers provincial et fédéral. Le Barreau s’inquiète du recours abusif et répété des projets de loi omnibus par le gouvernement fédéral, parce que ceux-ci modifient de façon significative des orientations législatives et contournent les débats démocratiques et le processus législatif habituel. Ainsi, le projet de loi C-31, visant l’exécution de certaines dispositions du budget de février 2014, met en œuvre des mesures sur l’impôt sur le revenu, la taxe de vente, le droit du travail, l’environnement, l’immigration de même que des mesures d’efficacité de l’administration de l’État et de réduction de ses coûts administratifs; il inclut par ailleurs des dispositions préoccupantes en matière de justice administrative. Le projet de loi C-32 propose quant à lui la création d’une charte canadienne des droits des victimes alors que les droits proposés sont déjà couverts par des législations ou des chartes en vigueur. « Pourquoi, nous le demandons, proposer la création d’une charte qui, en réalité, ne confère aucun nouveau droit aux victimes d’actes criminels? » interroge la bâtonnière Brodeur.
Modernisation du système professionnel
Au chapitre du système professionnel, l’heure s’annonce aux grands chantiers. Le Barreau du Québec figure parmi ceux-ci puisqu’il procède, sous l’impulsion de la révision du Code des professions du Québec par l’Office des professions, à une refonte historique de sa gouvernance. Le 23 avril 2014, le Conseil général a adopté à la quasi-unanimité les principes qui serviront à rédiger la loi qui consacrera la nouvelle gouvernance du Barreau. À terme, le mandat du bâtonnier, élu au suffrage universel, passera de un à deux ans (renouvelable une fois), deux postes de vice-président seront créés, le conseil d’administration (actuellement Conseil général) comptera 16 membres dont 4 représentants du public nommés par l’Office des professions, alors qu’un conseil des sections de 41 membres (dont 15 votants) aux pouvoirs balisés sera créé. « Voilà un tournant historique pour le Barreau du Québec, souligne la bâtonnière Johanne Brodeur, mais aussi une étape clé à franchir pour assurer la continuité dans les travaux liés à la mission du Barreau du Québec. L’efficience de l’Ordre passe par une gouvernance avec plus de souffle. »
Par ailleurs, deux projets de loi proposent des bonifications significatives à la justice disciplinaire. La Loi modifiant le Code de professions en matière de justice disciplinaire modifie le système de justice disciplinaire applicable aux membres des ordres professionnels en prévoyant une procédure de sélection, par le gouvernement, des présidents des conseils de discipline ainsi que l’adoption, par le gouvernement, d’un code de déontologie applicable aux présidents et aux autres membres des conseils de discipline. Le Barreau souhaite que le gouvernement finalise avec diligence cette réforme pour assurer l’optimisation des délais en matière disciplinaire.
Par ailleurs, le projet de loi 62, la Loi modifiant le Code des professions pour permettre une suspension ou une limitation provisoire immédiate des activités d’un professionnel, prévoit que le conseil de discipline d’un ordre professionnel puisse imposer à un membre faisant l’objet d’une poursuite pour une infraction grave une suspension provisoire immédiate ou une limitation immédiate de son droit d’exercer. Ce projet de loi fait suite à une demande du Barreau du Québec et met en place un nouveau pouvoir important pour la protection du public, qui permettra au Syndic d’intervenir avant le dépôt formel d’une plainte devant le conseil de discipline. Le Barreau du Québec demande que ce projet de loi soit présenté rapidement pour étude en commission parlementaire.