L’adolescence montréalaise de Kamala Harris marquée par le mal du pays et la danse
Si Kamala Harris est californienne de naissance, c’est à Montréal qu’elle a passé son adolescence. Ses anciens camarades de classe canadiens se souviennent d’une élève souriante et extravertie, malgré son mal du pays, et qui avait la danse comme passe-temps favori.
La vice-présidente américaine et aujourd’hui candidate démocrate à l’élection présidentielle découvre la métropole québécoise et ses hivers rigoureux en 1976, à l’âge de 12 ans.
Elle vient de quitter sa ville natale d’Oakland, en Californie, avec sa sœur Maya et sa mère divorcée. Cette dernière a été recrutée pour mener des recherches sur le cancer du sein à l’Hôpital général juif et pour enseigner à l’Université McGill.
«L’idée de quitter la Californie ensoleillée en février, au milieu de l’année scolaire, pour une ville étrangère francophone couverte de 12 pieds de neige (3,6 mètres) était affligeante», raconte-t-elle dans ses mémoires publiés en 2019.
Celle qui est devenue en janvier 2021 la première femme, la première Afro-Américaine et la première personne d’origine asiatique à accéder à la vice-présidence des États-Unis parle peu de ses années au Canada, et sa biographie sur le site de la Maison-Blanche n’en fait pas mention.
Même si elle ne parle pas français, elle fréquente à son arrivée une école francophone pour ensuite étudier dans un établissement scolaire bilingue à vocation artistique et musicale. Elle intégrera finalement la Westmount High School, une école publique anglophone où elle obtiendra son diplôme en 1981.
Une école diversifiée
«Elle était très amicale et extravertie», raconte à l’AFP Anu Chopra Sharma, l’une de ses camarades de classe. Elle évoque une jeune fille bonne élève, qui prenait le temps d’aider les autres. «Le français était une matière difficile pour nous tous, comme nous ne le parlions pas», se remémore-t-elle.
À l’époque, le climat social est tendu entre anglophones et francophones, majoritaires dans la province du Québec et en quête d’affirmation identitaire.
Grande bâtisse aux briques beiges située sur une rue passante, l’école secondaire de Kamala Harris se trouve dans un secteur cossu. Mais l’établissement accueille des élèves des alentours et donc «beaucoup de jeunes étaient issus de la classe ouvrière», se rappelle Mara Rudzitis, 82 ans, ancienne professeure d’art.
L’école est également multiethnique. Il y avait des «gens de toutes les couleurs», avec des élèves d’origine caribéenne, indienne, pakistanaise ou chinoise, renchérit Dean Smith, l’un de ses camarades.
«Toujours des choses à dire»
Active et sociable, la vice-présidente américaine, aujourd’hui âgée de 59 ans, est à l’époque membre de différents clubs et participe au défilé de mode de l’école.
Pour la jeune fille, née d’un père jamaïcain et d’une mère indienne, danser avec sa troupe, les Super Six, puis les Midnight Magic, est son passe-temps favori, selon l’album de fin d’année scolaire.
Dans ce recueil, on y voit la jeune Kamala Harris au large sourire avec une coupe afro, les cheveux lâchés et bouclés.
«Elle était toujours souriante et aimait rire, comme vous la voyez aujourd’hui», se souvient Dean Smith.
«Elle s’entendait bien avec tout le monde», poursuit l’homme de 62 ans, qui a grandi dans le quartier de la Petite-Bourgogne, à la population historiquement noire et ouvrière.
Mara Rudzitis se souvient d’une adolescente «très intelligente» avec beaucoup d’amis, qui aimait passer du temps dans la salle d’arts pendant la pause de midi. Et elle reste marquée par son éloquence: «Elle avait toujours des choses à dire», glisse-t-elle, ravie de voir son ancienne élève aspirer à la présidence des États-Unis.
C’est également lors de son séjour canadien que sa vocation professionnelle s’est affirmée.
«Lorsque j’étais au secondaire, j’ai appris que ma meilleure amie était victime d’attouchements», a raconté Kamala Harris. «Si j’ai voulu devenir procureure, c’est en grande partie pour protéger des personnes comme elle.» Cette amie, Wanda Kagan, a été hébergée plusieurs mois chez elle après avoir été abusée par son beau-père.
Au Canada, Kamala Harris a «le mal du pays» et ressent «constamment» le désir de rentrer chez elle, dit-elle dans ses mémoires. Une fois ses études terminées, elle retrouve son pays natal, où elle fréquentera dès 1982 la Howard University à Washington, surnommée la Harvard noire.