Le gouvernement Couillard trop «frileux» pour financer la traduction en anglais des jugements des tribunaux du Québec

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Le gouvernement Couillard trop «frileux» pour financer la traduction en anglais des jugements des tribunaux du Québec

-JJ. Michel Robert, juge en chef du Québec retraité
Par André Gagnon
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L’ancien juge en chef du Québec, JJ. Michel Robert, a déclaré au colloque du Barreau de Montréal sur la langue des lois et des jugements que le refus du gouvernement Couillard, «le plus fédéraliste» de l’histoire récente», de payer pour la traduction des jugements des cours de justice de nomination fédérale est attribuable, selon lui, à sa «frilosité» à cause du «PQ–PKP» qui verrait d’un mauvais oeil une concession à la minorité anglophone et une brèche à la Charte de la langue française, seule langue officielle au Québec.

Selon Me Robert, conseil du cabinet BCF, la traduction des jugements importants de la Cour d’appel et de la cour supérieure dont il estime le coût entre 500,000 $ et un million de dollars par année, est un investissement que le gouvernement devrait assumer comme frais de justice quitte à le prendre sur les budgets de la santé ou de l’éducation, la justice étant le parent pauvre du point de vue budgétaire.

Mais la crainte du gouvernement Couillard, qui semble avoir peur du «PQ de PKP» car celui-ci pourrait interpréter ce geste comme une «provocation» et un cadeau à la minorité anglophone du Québec. Cela l’empêchera sans doute d’agir, à moins «qu’on se grouille» dit-il, en utilisant son franc parler et repoussant la langue de bois.

Ces propos ont été prononcés au cours du colloque où ont pris la parole outre Me Robert, l’ancien juge Michel Bastarache de la Cour suprême du Canada, avocat spécialiste des lois et des droits linguistiques des minoritaires.

Le commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser, qui occupe ce poste depuis presque 10 ans, a présenté un survol des gestes qu’il a posés depuis son accession à cet important poste. Son arrivée, a-t-il précisé, a coincidé avec le retrait par le gouvernement fédéral du programme de financement de causes devant les tribunaux par des minoritaires tant francophones hors Québec qu’anglophones du Québec.

Il fut souvent question de l’article 133 de l’AANB lors du colloque faisant obligation de publier et rendre accessible les décisions des tribunaux au Québec et de quelques autres provinces mais qui ne prévoit rien quant à la traduction obligatoire en anglais de ces décisions judiciaires.

Les auteurs et les juges divergent sur son interprétation. Certains sont d’avis que le Québec a une obligation constitutionnelle de publier les décisions des tribunaux en langue anglaise, selon me Casper Bloom, par exemple.

A cet égard, l’ancien juge en chef Robert est d’avis que les décisions judiciaires du Québec ont un impact notable sur l’économie, le droit corporatif, le divorce, la faillite, secteurs qui émanent du droit fédéral, a-t-il soutenu. Dans le cadre de l’internationalisation des rapports entre les individus, les sociétés commerciales, les domaines bancaires et les négociations inter-étatiques la publication via des traductions des décisions judiciaires du Québec ne peut qu’aider à faire connaître sa jurisprudence à l’extérieur du Québec et à l’étranger. De ce fait, cela ouvrirait des horizons nouveaux au Québec sur la scène internationale, a-t-il souhaité, plutôt qu’être campé dans un unilinguisme stérile. Ce bilinguisme judiciaire viendrait aider à promouvoir la connaissance de notre droit et de nos décisions judiciaires ailleurs dans le monde via le rameau anglophone auquel est rattaché un grand nombre de pays.

Le colloque du Barreau de Montréal via sa section anglophone, visait aussi à faire pression sur Québec afin que le gouvernement corrige les erreurs de traduction effectuées par ses linguistes qui ne sont pas des juristes. Le «nouveau» Code civil du Québec qui date de plus de 20 ans comporte plusieurs milliers d’erreurs dont des centaines ont été corrigées au fil de projets de lois . S’ajoutent d’autres erreurs avec l’avènement du «nouveau Code de procédure civile» qui entrera en vigueur bientôt. Il s’agit d’un interminable jeu du chat et de la souris…

Les coprésidents du Comité du Barreau de Montréal à l’origine des «réparations» exigées au Code civil du Québec, les anciens bâtonniers Casper Bloom et Pierre Fournier (dont en passant la fille est récemment devenue bâtonnière, Me Magalie Fournier), ont dû reconnaitre que leurs efforts depuis tant d’années en réponse aux questions de Me Robert, constituent un échec cuisant.

La stratégie doit prendre une tournure différente. Tout devait être fait pour éviter que l’on s’adresse aux tribunaux, préférant l’avenue de la négociation plutôt que la confrontation politique et judiciaire. Cela ne semble pas très efficace de l’avis de plusieurs participants

Divers autres conférenciers et panélistes ont échangé par leurs savants propos sur le thème de la loi et des jugements au cours d’une longue demi-journée fort intéressante et vivante pour laquelle les juristes inscrits ont eu droit à quatre crédits comme éducation permanente exigée par le Barreau du Québec, de préciser Me Doris Larivée, directrice-générale du Barreau de Montréal.