Les notaires seront-ils aussi bon juge que les avocats ?

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Les notaires seront-ils aussi bon juge que les avocats ?

Par André Gagnon

 

Si la formation juridique est identique durant trois ans à la faculté de droit pour un notaire et un avocat, le notaire pourra-t-il après dix années de pratique privée agir comme juge d’un tribunal ? Ce débat séculaire entre avocats et notaires n’a vraiment jamais été tranché. Un jeune ministre de la Justice du Québec et son gouvernement ont décidé qu’il en serait ainsi. Les notaires pourront être nommés juges à condition d’avoir dix ans de pratique en cabinet privé selon le projet de loi déposé devant l’Assemblée Nationale du Québec. 

Une commission parlementaire se déroulera cette semaine pour entendre les avis des corporations professionnelles touchées, le Barreau du Québec et la Chambre des notaires du Québec, bien sûr, mais aussi de groupes d’affaires et autres. 

Certains notaires ayant été en pratique privée agissent déjà comme juge administratif avec compétence. Leur rôle en matière matrimoniale montre qu’ils sont aptes à exercer dans cette sphère lors de médiation non contestée. Déjà un bon début pour le notaire. 

Si la loi que présente le ministre Jolin-Barrette encadre cette nouvelle magistrature aux causes de cette nature excluant au départ les causes criminelles, rien ne s’oppose à ce que avocats ou notaires puissent accéder à la magistrature en vertu de la loi du Québec. Les nominations fédérales à la Cour supérieure et la Cour d’appel et aussi la Cour suprême du Canada, pourraient suivre ce chemin qui est celui d’Ottawa. La profession d’avocat relève des provinces aussi hors Québec. 

Le Barreau du Québec devrait mettre de l’eau dans son vin. Les avocats ne seront pas punis mais devront partager dorénavant les nominations à la magistrature québécoise. La Chambre des notaires du Québec devra cependant offrir des cours de formation professionnelle aux futurs juges-notaires. 

Un certain Dr Norman Bethune du Québec, chirurgien thoracique à l’Hôpital Ste-Jeanne-D’Arc de Montréal dans les années 1940, s’est joint à d’autres citoyens de gauche d’ici partis prêter main-forte aux révolutionnaires espagnols durant la guerre civile avec un certain Ernest Hemingway, journaliste et auteur américain de réputation mondiale de romans, s’est par la suite retrouvé aux côtés des chinois  de Mao, a autrefois réussi à former des médecins-chirurgiens chinois sur les champs de bataille en quelques mois lors de la révolution de Mao et à sauver la vie des combattants. 

Est-il inconcevable, voire impossible, de former de futurs juges qui ont pratiqué le droit notarial en cabinet privé durant au moins dix ans ? Tous les juges qu’ils viennent des facultés de droit ou de  la pratique du droit comme avocats sont soumis à une période de rodage selon la juridiction où ils ou elles siégeront.  

Rien n’est impossible avec de la bonne volonté. Après la levée de boucliers, le calme et l’intelligence reprendra le dessous. Pourquoi priver les notaires d’agir comme juge après une formation prodiguée selon la juridiction ? La jurisprudence de chaque niveau de juridiction est par ailleurs fournie dans un ou des cahiers (autrefois, maintenant tout est informatisé) aux nouveaux juges dans les districts judiciaires du Québec. Tout devient habitude car les justiciables soumettent sensiblement les mêmes demandes devant le tribunal. On réinvente rarement la roue, presque tout devient affaires de répétition. Anciens avocats ou notaires rédigent leurs jugements sur à peu près les mêmes bases. La jurisprudence après un certain temps n’a plus de secret pour personne. La rédaction des jugements donc est semblable d’une cause à une autre, d’une cour à une autre.    

L’arbitrage, la médiation faite par un CPA, un ingénieur, ou un avocat ou un notaire a ouvert un champ de pratique aux professionnels qui s’apparente un peu beaucoup même à rendre justice, des jugements. Les changements apportés par les TI (informatique) à toutes les professions et au droit et sa pratique, aux tribunaux de tous genres  sans discrimination de profession, démontrent que les avocats et les notaires peuvent devenir de très compétents juges. 

Le Barreau du Québec aura pu exercer une domination quasi-totale sur la magistrature et les nominations de juges jusqu’ici. Aucune raison valable ne permettra de continuer dans cette voie qui aura eu pour objet une discrimination favorable aux avocats mais défavorable envers les notaires qui ont reçu la même formation universitaire de base durant trois ans en droit dans les facultés. 

Mieux vaut une entente cordiale entre juristes qu’une bataille judiciaire inutile en vertu des lois fédérales de la concurrence. Car n’est pas un cas flagrant de non-concurrence, fondé sur la discrimination, sauf erreur? 

Si cela survenait pour décider si deux professions juridiques fort semblables pouvaient accéder à la magistrature, c’est devant des tribunaux fédéraux que ces deux professions séculaires relevant du Québec viendraient sceller ce débat. Quelle ironie!  

Articles extraits du projet de loi 8 concernant les notaires:

  • LOI SUR LES COURS MUNICIPALES 20. L’article 33 de la Loi sur les cours municipales (chapitre C-72.01) est modifié par l’insertion, dans le premier alinéa et avant « ayant », de « ou les notaires ».
  • 30. L’article 87 de cette loi est modifié par l’insertion, dans le premier alinéa et avant « ayant », de « ou les notaires »
  • 32. L’article 162 de cette loi est modifié par l’insertion, dans le premier alinéa et avant « ayant », de « ou les notaires »

 

Commentaire reçu suite à la diffusion de notre  article:

Cher monsieur Gagnon

J’ai véritablement apprécié la lecture de votre article concernant la nomination possible des notaires à titre de juge, et j’ai compris l’exigence qui serait d’exercer dans un bureau de pratique privée pendant au moins une durée de 10 années. Cependant, votre mention — et je n’ai pas vérifié le projet de loi, serait qu’ils doivent exercer leur profession, et non pratiquer le droit. C’est donc eu égard à l’exercice de la profession d’avocat — comme plaideur, que je m’interroge sur la seule pertinence de leur offrir des formations à titre de juge-notaire, peu importe l’emplacement que vous mentionnez parmi les instances judiciaires. Comme rôle au sein des organismes qui traitent de questions de « gestion municipale — taxation, évaluation, etc. » j’estime qu’ils seraient d’excellents candidats auprès des membres experts, et autres. Je ne remets aucunement en question leurs compétences accrues et leur savoir-faire en matière de succession, de planification matrimoniale, ou de divorce, le cas échéant. Les nominations à la Cour du Québec, ou la Cour supérieure et autre, verront leur qualification un outil indispensable ,certes, toutefois, comment pourront-ils composer ou percevoir l’avocasserie? L’effet de toge, les délais justifiés, les tergiversations obligées, l’hypothèse à la question théorique lorsqu’ils ne sont pas familiarités avec le prétexte. L’accessibilité à la justice n’est pas entièrement un blâme à l’égard des professions, et demeure un enjeu qui profère l’anxiété totale parmi les praticiens, et conseillers nombreux. Comment concilier le besoin avec la demande décroissante, demeure la question qui se décompose?

J’ai travaillé avec plusieurs notaires, qui étaient forts agréables. Des enseignants dans l’âme. Nous ne sommes pas au bout des nôtres larmes par contre lorsqu’ils soupçonnent les stratégies de la théorie de la cause ou les rapports entre collègues, comme des éléments d’influences et de parti-pris. Comme toute chose, par ailleurs, la patience et la compréhension pourront apporter un éclairage, et nous modifierons les méthodes et les approches.

Je ne crois pas utile de discuter de votre objectivité ou votre conflit d’intérêts sur les questions qui touchent Ernest Hemingway et les soulèvements à l’époque de la Chine de Mao. Cela dit, je suis impressionnée d’apprendre de la collaboration du médecin québécois. Je vous invite à visionner le film le club vinland, en revanche, réel plaisir à partager en famille.

Cordialement.

Carla Chamass