Me Danielle Gagliardi, notaire, secrétaire de l’Ordre Chambre des notaires du Québec, honorée par l’Association des Juristes Italo-canadiens du Québec

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Me Danielle Gagliardi, notaire, secrétaire de l’Ordre Chambre des notaires du Québec, honorée par l’Association des Juristes Italo-canadiens du Québec

Je suis de la 3e génération de familles italiennes tant du côté paternel que maternel.

Mes grands-parents ont immigré au Canada entre les années 1913 et 1923, faisant ainsi partie de la première vague d’immigration massive.

Âgé d’à peine 17 ans, mon grand-père paternel avait le profil type du jeune homme célibataire arrivant seul, attiré par les possibilités d’emplois offertes en Amérique.

Il a donc quitté sa « Calabria » natale et sa famille et ne verra certains proches qu’ici, au Québec, lorsqu’il les parrainera. D’ailleurs, il n’a connu son jeune frère, de 20 ans son benjamin, que lorsque celui-ci est arrivé au Québec.

Il a rencontré ma grand-mère d’origine italienne à Montréal et ont fondé une famille.

Il s’est éteint à l’âge de 97 ans sans jamais être retourné en Italie.

Ce grand-père paternel s’est enraciné ici, dans le quartier Villeray. Il a contribué à l’économie et a perpétué le nom des GAGLIARDI grâce à l’aide qu’il a apportée à ses frères, neveux et nièces qui ont suivi ses traces en venant s’établir au pays.

Mon grand-père maternel, quant à lui, originaire de la « Toscana », est aussi arrivé seul au Canada, à l’aube de la quarantaine.

Ma grand-mère, une Bolognaise avec qui il était déjà marié, est venue le rejoindre quelque temps après.

Malheureusement, elle s’est éteinte quelques années après avoir donné naissance à ma mère, laissant ainsi mon grand-père, un artisan et sculpteur d’œuvres que l’on retrouve dans certaines églises du Québec, avec pour seule famille sa fille, donc ma mère.

Vous comprendrez que dans cette situation, nous avions peu d’information, de trace ou de lien avec cette branche de la famille jusqu’au jour où, jeune mariée, ma mère reçoive l’appel d’un notaire lui annonçant qu’elle héritait, par représentation, d’un terrain « In Toscana ».

Elle apprend que ses oncles lui offrent la somme mirobolante de 800 $ en contrepartie de ce lopin de terre dont elle ne connait pas la valeur.

Empressée d’empocher les 800 $ venus du ciel qu’elle utiliserait pour l’achat d’un immeuble au Québec, ma mère a signé, devant notaire, une procuration pour la vente de ce terrain.

Plusieurs années plus tard, alors moi-même notaire et mes parents retraités, nous nous remémorions la situation en riant et en se disant qu’ils auraient pu vivre une retraite « Sotto il sole Toscano ».

Nés au Québec vers la fin des années 1920, mes parents ont grandi dans un quartier francophone de Montréal, ont eu comme langue maternelle l’italien et une éducation en langue anglaise.

Bien que catholiques, les italo-canadiens n’étaient pas les bienvenus à l’école francophone à cause peut-être des soupçons qui pesaient sur eux durant la deuxième guerre mondiale. C’est pourquoi plusieurs se sont tournés vers l’école anglophone.

À contre-courant, soucieux de voir leur fille embrasser pleinement la culture québécoise, mes parents ont fait le choix de non seulement m’éduquer en français, mais d’en faire ma langue maternelle.

Pour mes parents, l’université n’était pas une option, ça allait de soi.

Ils n’avaient cependant pas prévu que mon choix se porterait sur l’Université de Sherbrooke, où je resterai pendant 7 ans, soit la durée de mon bac en économie, mon bac en droit et mon diplôme de droit notarial.

Pas facile pour une « mama » italienne de voir partir sa fille unique.

Maintenant, j’en sais quelque chose puisque l’histoire se répète. Mais moi, mon unique fille, ce n’est pas Sherbrooke qu’elle a choisi mais plutôt l’Europe, l’Ouest du pays et possiblement la planète, car pour cette génération, il n’y a plus de frontières.

L’importance d’aller à l’école, mes parents, enfants d’immigrants, l’ont vite comprise.

Que leur fille soit assermentée notaire était pour eux l’ultime réussite. Pas seulement ma réussite, mais également la leur, en tant que parents.

J’ai toujours pensé que le meilleur directeur marketing de mes services notariaux était mon père. Il voulait tellement m’aider à réussir ma vie professionnelle, notamment en m’amenant des clients, qu’il m’a aidée, sans le vouloir, à m’épanouir dans ma vie amoureuse lorsqu’il m’a présenté Jean, client potentiel, qui aujourd’hui est mon conjoint depuis 1987.

Les liens se sont rapidement et profondément tissés entre mon père et lui et finalement, ce bon québécois de Shawinigan a remplacé ce fils que mes parents ont perdu à l’âge de 10 mois, car il a vite compris que lorsque tu épouses une italienne, tu épouses la famille.

Mon histoire, c’est l’histoire de plusieurs d’entre vous à quelques variantes près.

Soyons fiers de nos ancêtres, des chemins qu’ils ont parcourus, de la voie qu’ils nous ont tracée.

Sans le savoir, ils nous ont permis d’exister et pour certains, de survivre, mais surtout, de nous offrir la possibilité de faire des choix.

Parmi ces choix, un a fait en sorte que nous soyons tous réunis ce soir.

Nous avons fait le choix de devenir juriste.

Notaire ou avocat, nous sommes animés par la justice, guidés par les lois et passionnés par le droit.

Aujourd’hui, ce n’est pas seulement moi qui suis honorée, mais toute la profession notariale. Et je tiens à vous le dire, j’en suis très fière.

Des notaires d’origine italienne, il y en a plus qu’on pense.

En effet, on en compte environ 80.

Généralement, ceux qui choisissent le notariat répondent à un profil particulier.

Misant sur la conciliation et l’entente, le notaire est un juriste de proximité qui prévient les conflits en amont.

D’ailleurs, à la Chambre des notaires, nous aimons décrire le notaire comme le champion de la justice préventive.

Plus que ça, au même titre que le médecin de famille, le notaire de famille accompagne ses clients dans les grandes étapes de leur vie, qu’elles soient heureuses ou malheureuses.

Je suis donc très fière de faire partie de la grande famille notariale, car grâce à notre expertise visant le consensus, nous sommes en mesure d’apporter une contribution originale aux résolutions de conflits.

D’ailleurs, cette expertise a été reconnue par le législateur qui place le notaire dans le nouveau Code de procédure civile, au cœur de la nouvelle culture juridique.

Cette dernière met le citoyen au cœur de nos préoccupations.

Notaires, avocats ou membres de la magistrature, nous allons devoir travailler ensemble, main dans la main, vers un objectif commun, celui d’aider le citoyen.

Permettez-moi, chers consœurs et confrères de faire un clin d’œil particulier à mes collègues notaires.

L’été dernier, lors de mon passage à Rome avec mon conjoint, nous avons été reçus avec générosité, comme les Italiens savent si bien faire, par la directrice générale de l’Union internationale du notariat, madame Elena Bevilacqua.

Mon regard a été attiré par un texte accroché au mur.

J’aimerais vous le partager.

Il s’agit du « Décalogue du Notaire » présenté par la délégation de l’Équateur qui a été approuvé par acclamation au cours de la session plénière du 8e Congrès de l’Union Internationale du Notariat Latin qui s’est déroulé à Mexico, en octobre 1965 et il se lit comme suit :

1. Onora il tuo ministero

Fais honneur à ton ministère

2. Astieniti, se il più lieve dubbio offusca la trasparenza della tua prestazione

Abstiens-toi, si le moindre doute pèse sur la transparence de tes actes

3. Rendi il culto alla verità

Vénère le culte de la vérité

4 Opera con prudenza

Agis avec prudence

5. Studia con passione

Étudie avec passion

6. Consiglia con lealtà

Conseille avec loyauté

7. Ispirati alla equità

Inspire-toi de l’équité

8. Attieniti alla legge

Observe la loi

9. Esercita con dignità

Exerce ton office avec dignité

10. Ricorda che la tua missione è « evitare contesa fra gli uomini »

Rappelle-toi que ta mission est d’« éviter les litiges entre les hommes »

En terminant, j’aimerais dédier cette reconnaissance à mon père et à ma mère qui me regardent d’en haut, j’en suis certaine, le cœur rempli de fierté.

Mais surtout à vous, Jean et Laurence, car c’est grâce à votre patience, votre soutien et la confiance que vous avez en moi que je suis une femme épanouie dans ma vie personnelle et professionnelle.

Je ne pourrais également passer sous silence qu’aujourd’hui ma fille, Laurence, fête ses 22 ans.

Je te souhaite que tes rêves deviennent réalités, que tes aspirations se concrétisent. Et pour chaque effort que tu sèmeras, succès et réussite tu récolteras!

Je t’aime!

Vi ringrazio per avermi assegnato questo riconoscimento!