Mordue de l’information

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Mordue de l’information

Lauréate 2017 du prix Reconnaissance de la Faculté de communication, Josée Boileau pratique le journalisme avec fougue depuis 30 ans.
Par Claude Gauvreau

Série Prix Reconnaissance 2017
Sept diplômés de l’UQAM seront honorés à l’occasion de la Soirée Reconnaissance 2017 pour leur cheminement exemplaire et leur engagement. Ce texte est le deuxième d’une série de sept articles présentant les lauréats.

La journaliste Josée Boileau.
Photo: Annik MH de Carufel
Adolescente, elle rêvait d’être journaliste. «J’ai toujours été une maniaque de l’information, lance l’ex-rédactrice en chef du Devoir Josée Boileau (B.A. communication, 1987). Je me souviens que lors d’un voyage à Amsterdam, je regardais les bulletins de nouvelles et j’achetais les journaux même si je ne comprenais pas la langue. J’étais intéressée par ce qui attirait l’attention des médias et par la façon dont ces derniers traitaient l’information.»

Réputée pour son expérience variée, son sens de l’éthique et sa grande rigueur intellectuelle, Josée Boileau est une journaliste chevronnée. Elle a travaillé pendant 30 ans dans les plus importants médias québécois, dont Le Devoir, où elle a été reporter, responsable de la page Idées et éditorialiste, directrice de l’information et rédactrice en chef.

Lauréate en 2011 du prix Judith-Jasmin, catégorie Opinion, de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), pour l’éditorial «Affaire Cantat: un choix tragique, elle a aussi obtenu, la même année, le prix Femme de mérite de la Fondation du Y des femmes et, en 2016, le prix Hélène-Pedneault de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal pour sa «contribution exceptionnelle à l’avancement et à l’affirmation de la société québécoise, pour son engagement dans la lutte pour l’amélioration de la situation des femmes, et ce, dans une perspective de justice sociale».

Conjuguer réflexion et pratique
Après avoir obtenu une licence en droit à l’Université de Montréal, Josée Boileau complète un diplôme d’études supérieures en communication à l’Université Paris III – Sorbonne nouvelle et entreprend des études de baccalauréat en communication à l’UQAM au milieu des années 1980. «Axé sur la réflexion critique et la pratique, ce programme offrait des outils et des connaissances dont j’avais besoin.»

La journaliste se souvient de certains professeurs qui l’ont marquée, comme Charles Perraton, Jean-Pierre Desaulniers («il avait une véritable réflexion intellectuelle sur la télévision, qu’il abordait sans mépris») ou Armande Saint-Jean («elle-même journaliste, elle faisait le pont entre l’importance du rôle de l’information dans la société et le fonctionnement concret d’une salle de presse»).

De la pige au Devoir
Après ses études universitaires, Josée Boileau effectue un stage au journal La Presse, travaille comme recherchiste à la télévision et fait de la pige. En 1989, elle entre au Devoir, puis le quitte en 1993, alors que le journal traverse une crise financière et syndicale.

La journaliste œuvre notamment à La Presse canadienne, au Journal du Barreau, à Télé-Québec et au magazine L’Actualité, avant de revenir au Devoir en 2001, là où les effectifs sont limités, où les salaires sont moins élevés qu’ailleurs. «J’ai toujours été passionnée par ce journal, qui constitue une exception dans le paysage médiatique, dit-elle. Le Devoir survit parce qu’il propose un produit différent des autres, fouille des dossiers, donne de la perspective aux faits, s’intéresse à des sujets qui attirent moins l’attention ailleurs, cherche à faire comprendre l’information en profondeur.»

En janvier 2016, avec l’arrivée d’une nouvelle direction, Josée Boileau quitte le navire une deuxième fois. «Après 15 ans, j’avais le sentiment d’avoir fait le tour du jardin», confie-t-elle.

Résister à la facilité
L’automne dernier, la journaliste a publié un essai intitulé Lettres à une jeune journaliste, dans lequel elle met en garde contre les risques de compromission. «Les journalistes doivent résister à la tentation de la facilité, souligne-t-elle. On leur demande de plus en plus de faire court et léger, d’éviter les mots trop compliqués et les phrases trop longues. Pourtant, certaines histoires méritent d’être fouillées et exigent plus que trois paragraphes. C’est difficile de résister parce qu’on veut vendre et être lu… mais à quel prix ?»

Josée Boileau rappelle le rôle joué par les enquêtes journalistiques ayant conduit à la mise sur pied de la Commission Charbonneau. «En 2007, la journaliste Kathleen Lévesque du Devoir, flairant un scandale, nous avait convaincu d’enquêter sur le contrat des compteurs d’eau à la Ville de Montréal. Ce n’était pas un sujet sexy, mais c’était d’intérêt public. Il fallait du temps pour creuser un tel dossier et le temps est ce qui manque le plus présentement dans les salles de nouvelles, parce qu’il faut nourrir les multiples plateformes et les réseaux sociaux.»

La diplômée insiste sur l’importance d’entretenir la flamme journalistique auprès de la jeune génération. «Au moment de la parution de mon livre, j’ai accordé plusieurs entrevues à de jeunes journalistes. Ceux-ci inventent de nouvelles publications, notamment sur le web. Leur modèle d’affaires n’est pas toujours au point, mais ils y croient. Tout ne passe pas par les médias traditionnels.»

Commenter l’actualité
Aujourd’hui, Josée Boileau continue de commenter l’actualité à la radio de Radio-Canada et tient une chronique littéraire dans le Journal de Montréal et sur les ondes de Radio VM ainsi qu’un blogue dans le magazine Châtelaine. Intéressée par le débat d’idées, elle participe à titre d’animatrice et de panéliste à des conférences publiques sur des enjeux de l’heure.

La journaliste prépare un nouvel ouvrage, qui paraîtra l’automne prochain aux éditions Somme toute. «Il s’agit d’une sélection d’éditoriaux que j’ai publiés dans Le Devoir au fil des ans et que je commente avec mon regard d’aujourd’hui», précise-t-elle.

Après 30 ans de carrière, Josée Boileau n’a rien perdu de sa passion. «Pour moi, dit-elle, le journalisme est davantage un état d’esprit qu’une profession. C’est une façon d’être.»