Notes for response to honour from ADDUM November 29 2017

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Notes for response to honour from ADDUM November 29 2017

Madame la juge en chef de la Cour d’appel
Monsieur le juge en chef de la Cour supérieure
Monsieur le président de la Chambre des notaires
Monsieur le doyen de la Faculté de droit
Monsieur le président de l’Association des diplômés en droit de l’Université de Montréal
Chers collègues, chers amis
Le changement est inévitable

Par Me Joan Clark
Norton Rose Fulbright

Je tiens à exprimer combien je suis touchée par l’honneur que l’on me fait ce soir, qu’il soit mérité ou non. Recevoir cet honneur de l’Association des diplômés en droit de mon alma mater, où J’ai passé quatre années heureuses et fructueuses il y a plus d’un demi siècle, me rend très reconnaissante et je vous en remercie de tout mon cœur, et en toute humilité.

Permettez-moi de vous expliquer comment il est arrivé que moi, une anglophone, avec des liens étroits avec l’Université McGill, aie suivie un cours de droit à l’U de M. Ma mère était diplômée de McGill avec un bachelier en sciences en 1925 ; mon père, qui avait un Ph. D. de Harvard, était alors chairman du département de géologie à McGill ; et en 1950 j’avais reçu mon B.A. de McGill. Il était déjà décidé dans la famille que je suive un cours de droit, et mes parents étaient de l’opinion que cela devrait être à l’Université de Montréal. Je n’avais aucune opinion moi-même, et ai simplement dit « GOOD IDEA ». Peut-être mes parents ont pensé que ìl serait un moyen pour moi de pouvoir pratiquer mon français, car dans le temps lorsqu’un anglophone essayait de parler en français à un chauffeur d’autobus, ou un clerc dans un magasin ou à presque n’importe qui dans le public, la réponse était toujours en anglais, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Un parmi plusieurs changements au cours des années.

En 1950, inscrite ,,,assister à l’U. de M. était alors un point de départ dans ma vie. Pour un anglophone, étudier à l’Université de Montréal en droit était plutôt rare. Pendant ma première année, ma deuxième année, et ma troisième année en droit, j’étais le seul anglophone, mâle ou femelle, dans notre classe – ce qui fut un grand avantage pour moi. Dans ma quatrième année, il n’y avait que 2 ou 3 anglophones.

Dans ma première année, il y avait 110 étudiants dans notre classe, dont une dizaine était des femmes. Aujourd’hui on me dit que la classe de la première année en droit compte environ 500, dont 62% sont des femmes. Déjà changement important.

Dans mon temps Il y a avait une procédure d’initiation qui sans doute n’existe pas aujourd’hui. Les étudiantes étaient mises en vente, et chacune était vendue à l’étudiant (mâle) qui payait le plus grand montant, probablement moins d’un dollar. J’étais achetée par un étudiant de la deuxième année, qui s’appelait Philippe Gélinas, et était le plus charmant et galant gentilhomme possible, et m’a parrainée pendant les trois années qui suivaient.

Dans l’année 1950, Montréal avait une réputation parmi les anglophones comme Sin City, pleine de corruption et d’autres vices. C’était le temps du maire Drapeau et le sauveur Pacifique Plante. Nous les étudiants, toujours progressistes et réformistes, avons organisé des parades dans la ville pour appuyer «Pax» Plante dans ses efforts – qui ont réussi à nettoyer la ville, et c’est comme ça qu’à ce jour il n’y a plus, ou peut-être très peu, de corruption à Montréal.

Nos professeurs comprenaient le doyen impressionnant Maximilien Caron avec sa magnifique voix, les professeurs Roger Comtois, Albert Mayrand, André Bachand et plusieurs autres qui nous ont enseignés dans les différents domaines du droit y compris le Code civil, inspiré du code napoléon. Mais il y avait un article dans ce code qui me troublait. Concernant le mariage, en 1950 li n’y avait pas de divorce, notre code civil déclara que le mariage ne pouvait être dissout que par la mort naturelle de l’un des conjoints. Cependant le code prévoyait la séparation de corps. Je vous lis l’article 187 qui existait un 1950: «Le mari peut demander la séparation de corps pour cause d’adultère de sa femme». POINT. Et en contrepartie, selon l’article 188, «La femme peut demander la séparation de corps pour cause d’adultère de son mari, VIRGULE, lorsqu’il tient sa concubine dans la maison commune.»

Heureusement, par un amendement, quatre ans plus tard, la phrase après la virgule était enlevée, et l’égalité entre les sexes était réalisée- un autre changement, celui-ci pour le mieux.
Après avoir reçu ma licence en droit en 1953 et étant admise au barreau en 1954, J’ai reçu quelques offres d’emploi, mais ma mère a suggéré que je prenne A YEAR Off et J’ai dit « GOOD IDEA », et ai passé une vie tranquille et domestique dans ma famille, avec ma grand’mère que j’adorais et qui est venue vivre avec nous. Un an plus tard, ma mère a suggéré que je cherche un emploi, et encore j’ai dit « GOOD IDEA ». Mais il est devenu difficile, c’était le mauvais temps de l’année. Aucun bureau n’avait besoin d’un jeune avocat.

J’hésitais à m’approcher du bureau de Me André Forget, qui nous avait enseigné le droit de la propriété intellectuelle à l’Université, parce que c’était un très grand bureau, comptant plus de 20 avocats, le plus grand dans le Commonwealth, disait-on.

Mais enfin, n’ayant pas de choix, j’ai demandé une interview avec Me Forget qui était en faveur de mon emploi par son étude. Il y avait des problèmes – ce bureau se composait exclusivement d’hommes, et le comité hésitait à engager une femme. Lors des interviews, on me posait des questions, considérées inappropriées aujourd’hui, quant à mes intentions de mariage, si j’étais fiancée, etc. Finalement j’ai reçu une offre à $300 par mois, que j’ai acceptée, mais l’offre était sous la condition que je ne plaide jamais en cour. Malgré cette condition, ignorée par Me Forget, deux semaines après mon commencement de travail, il m’a envoyé plaider une cause en Cour d’appel, et j’ai paru régulièrement devant les cours par la suite. Après une période d’essai, j’étais acceptée comme membre du cabinet, et mon nom était peint en lettres noires sur le verre dépoli de la porte principale du cabinet, c’était le 30ième nom. J’en étais tellement fière.

Aujourd’hui, le successeur actuel de cette étude compte des centaines, ou plus, de membres.

Pendant toute ma carrière chez Montgomery, McMichael, Common, Howard, Kerr, Cate . . . . et al, et ses successeurs sous d’autres noms, je ne crois jamais avoir été le sujet de discrimination, à cause de mon sexe.

Mais c’était différent avec les clubs sociaux. Notre firme tenait des réunions mensuelles au Club St. James où il y avait une tradition que les femmes devraient entrer par une porte séparée, une porte secondaire. Quand je suis devenue associée junior, j’étais invitée à y assister, mais en entrant par la porte séparée. J’acceptais cette situation jusqu’à ce que des jeunes associés, plus jeunes que moi et mâles, m’accompagnaient aux réunions, mais entraient par la porte principale, me laissant entrer par la porte secondaire. Ceci était devenu inacceptable. Je manquais plusieurs réunions, mais enfin j’ai appelé le gérant du Club pour savoir s’il y avait vraiment une telle règle. On m’a assurée que non, que j’étais la bienvenue pour entrer par la porte principale, ce que j’ai fait par la suite. Mais j’avoue que quand j’ai utilisé la porte principale pour la première fois, et suis montée par le grand escalier, pendant que les membres assis, lisant leurs journaux, me regardaient avec un regard suspect, j’ai compris la sensation qui a dû être éprouvée par Rosa Parks quand elle est demeurée assise en avant dans l’autobus. ​​

Quant au Club Universitaire de Montréal, en 1986 il y avait une liste de qualifications pour devenir membre, dont la première était d’être un diplômé mâle d’une université ou collège. Malgré cette exigence très claire, le neurochirurgien distingué William Feindel a proposé ma candidature comme membre, appuyée par William Grant de notre bureau. J’étais diplômée de deux universités, mais je ne répondais pas à l’exigence d’être un diplômé mâle. Il a fallu deux assemblées des membres du Club Universitaire pour changer les règles et admettre les femmes, car la première assemblée approuvait le changement par une simple majorité, et il a fallu une deuxième assemblée pour obtenir les deux-tiers requis par les règlements du Club. Un autre changement.

Quand j’ai préparé des remarques pour ce soir, les changements que j’ai mentionnés, et beaucoup d’autres, m’ont fait penser à un passage dans un livre intitulé «The Sixth Extinction» écrit par le paléontologue renommé, Richard Leakey, qui est paru en 1995.
C’est un passage que j’ai lu à mon père, aussi paléontologue, en 1996, peu avant sa mort à l’âge de 102 ans, et que j’ai toujours retenu. L’auteur parla de regarder le passé par une fenêtre, dans son cas une fenêtre paléontologique, mais ça peut s’appliquer à une fenêtre qui donne sur tout domaine du passé.

L’auteur écrivit :
“If there is one single impression you gain from what is to be seen through this window it is encapsulated in the simple word change. Life’s flow is in a constant dynamic change. Life seen through a paleontological window is like a kaleidoscopic image, where change is not only natural but inevitable.”

Aussi dans nos vies, le changement est inévitable.
En terminant, je réitère ma profonde gratitude pour l’honneur que l’Association des diplômés en droit de l’Université de Montréal m’a accordé, et mon appréciation de votre présence ce soir.