Projet de loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français : LE BARREAU DU QUÉBEC FAIT PART DE SES RECOMMANDATIONS
Le Barreau du Québec a pris connaissance avec intérêt du projet de loi 96, la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, et formule plusieurs recommandations dans le souci de la protection du public et d’une mise en œuvre efficace et efficiente des dispositions proposées. Le volet sociétal de la mission du Barreau du Québec l’amène en effet à veiller au respect de l’un des principes fondateurs de la société, soit la primauté du droit.
« Nous appuyons l’objectif du projet de loi 96 de protéger la langue française à titre de langue de la législation et de la justice et de favoriser son utilisation par les professionnels québécois », déclare la bâtonnière du Québec, Me Catherine Claveau. « Notre intervention vise, d’une part, à proposer des mesures visant à rendre l’application de ce projet de loi plus efficace et efficiente et, d’autre part, à attirer l’attention des parlementaires sur certains enjeux préoccupants qui pourraient faire l’objet de contestations. Nos recommandations ont pour but principal de maintenir une saine administration de la justice », précise Me Claveau.
Alors qu’elle représentait le Barreau du Québec à la Commission de la culture et de l’éducation tenue aujourd’hui, Me Claveau a pris soin de rappeler que « la protection du public est au cœur de la mission du Barreau. Pour accomplir cette mission, une communication claire et efficace entre le Barreau, les avocats et les citoyens est primordiale. L’essentiel de nos recommandations est lié à cette relation », ajoute la bâtonnière.
Dans son mémoire, le Barreau du Québec recommande d’abord des ajustements aux mesures applicables aux ordres professionnels dont, notamment :
- Permettre à un ordre professionnel de communiquer oralement ou par écrit (téléphone, courriel) avec un membre dans une langue autre que le français, si ce membre y consent et que cette communication découle d’un des éléments suivants :
- une demande d’enquête formulée par un citoyen qui a reçu, à sa demande, des services professionnels dans une langue autre que le français;
- lorsqu’il s’agit de fournir des explications techniques ou pointues sur des questions de déontologie ou de normes d’exercice professionnel;
- lorsque ce membre exerce la profession par le biais d’un permis temporaire ou d’une autorisation spéciale de pratiquer.
- Plutôt que d’empêcher un professionnel de refuser un mandat en raison de son niveau de connaissance de la langue française, ce qui le mènerait à violer l’obligation de compétence prévue par son code de déontologie, prévoir une obligation pour le professionnel de référer à un autre professionnel.
- Préserver l’indépendance du syndic en le laissant exercer sa discrétion afin d’évaluer la gravité du manquement au maintien d’une connaissance appropriée du français pour l’exercice de la profession en fonction des circonstances particulières, en retirant du Code des professions la nouvelle disposition prévoyant qu’un professionnel commet un acte dérogatoire lorsqu’il contrevient à la Charte de la langue française. Le Code des professions prévoit déjà qu’un professionnel qui contreviendrait à ses obligations peut faire l’objet d’une plainte disciplinaire si le Syndic juge que le manquement constitue une faute déontologique.
- Maintenir la version actuelle de l’article qui confère le droit aux clients d’obtenir du professionnel une traduction en français de tout avis, opinion, rapport, expertise ou autre document qu’il rédige et qui les concerne, plutôt que d’élargir à toute personne autorisée.
Le Barreau du Québec met également en lumière certaines dispositions qui risquent d’alourdir l’administration de la justice et l’accès à celle-ci et propose des pistes de solution à cet égard.
Enfin, il attire l’attention des parlementaires sur les dispositions susceptibles de faire l’objet de contestations judiciaires, malgré la présence de la clause dérogatoire prévue à l’article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982, puisque cette clause ne peut porter sur les droits constitutionnels que confère l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le Barreau rappelle que l’article 133 constitue un minimum constitutionnel résultant d’un compromis historique et confère le droit d’user de la langue française ou de la langue anglaise dans toute plaidoirie ou pièce de procédure devant les tribunaux.
Le Barreau estime donc qu’il existe un risque de contestation judiciaire notamment sur les aspects suivants :
- la primauté de la version française des lois et règlements consacrée par le projet de loi pourrait aller à l’encontre de l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867;
- un risque d’atteinte au principe d’indépendance institutionnel compte tenu que l’exigence de bilinguisme des juges serait soumise à la décision du ministre et ne relèverait plus du juge en chef;
- des écueils possibles au principe de l’indépendance judiciaire en exigeant qu’une traduction française soit soumise immédiatement et sans délai lors du dépôt par un juge de tout jugement rendu par écrit en anglais par un tribunal judiciaire lorsqu’il met fin à une instance ou présente un intérêt pour le public.
Pour lire le mémoire du Barreau du Québec sur le projet de loi 96, cliquez ici.
Le Barreau du Québec
Le Barreau du Québec est l’ordre professionnel de plus de 28 500 avocats et avocates. Ses positions sont adoptées par ses instances élues à la suite d’analyses et de recommandations de ses comités consultatifs. Afin d’assurer la protection du public, le Barreau du Québec surveille l’exercice de la profession, fait la promotion de la primauté du droit, valorise la profession et soutient ses membres dans l’exercice du droit.