Texte de Me Éric Bédard lu lors de la commémoration nationale de son père Marc-André Bédard.

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Texte de Me Éric Bédard lu lors de la commémoration nationale de son père Marc-André Bédard.

Monsieur le premier Ministre Legault,
Madame la première Ministre Marois,
Monsieur le premier Ministre Bouchard,
Mesdames, Messieurs élus,
Monsieur le Chef du Parti Québécois,
Monsieur l’Évêque de Chicoutimi,
Madame la mairesse de Chicoutimi,
Madame la Juge en chef de la Cour du Québec,
Chers amis,
Avec tout ce beau monde Marc-André nous aurait parti au moins deux tables de cartes, les discours se seraient arrêtés ici et je peux vous garantir que personne ne se serait ennuyé!
Chers amis,
Votre seule présence ici aujourd’hui en si grand nombre illustre éloquemment l’une des plus grandes qualités de Marc-André, celle de rassembler
Nous rassembler pour jouer
Nous rassembler pour rire
Nous rassembler pour parler
Nous rassembler pour construire
Stéphane, Louis, Maxime et moi avons été les premiers à en profiter. Marc-André et Nicole n’ont eu de cesse de nous vouloir ensemble et de nous vouloir agir ensemble.
Ces deux-là puisaient leur énergie dans le bonheur des gens qui les entouraient.
Notre vie s’est passée dans ces rassemblements familiaux, politiques en chantant, en dansant, en jouant ou en militant, que ce soit pour le plaisir d’être ensemble ou pour l’avenir de notre peuple.
Malgré un parcours exceptionnel, son humilité suscitait l’admiration. Mais il réservait parfois à ses plus proches un petit orgueil compétitif de gagner « humblement« . Au terme d’une partie de cartes ou d’une partie de golf, il pouvait vous rappeler subtilement combien vous étiez bourré de talent, mais, sourire en coin, qu’il vous avait « humblement«  encore une fois battu.
J’ai beaucoup profité de la patience de mon père. C’était un homme qui prenait le temps.
Le temps qu’il prenait pour écouter et expliquer les choses était tout simplement phénoménal. Certains diraient qu’il avait de la patience pour deux (ce qui était une bonne chose vu que Nicole n’en avait que pour une moitié!).
Je le vois lorsqu’il nous expliquait les nouvelles, ce qu’on y lisait ou souvent surtout ce qu’on n’y lisait pas.
Répondant à nos questions d’enfant et d’adolescent toujours avec beaucoup de respect même lorsqu’il ne partageait pas certaines de nos prémices. L’important pour lui était de comprendre son interlocuteur, car c’était la condition essentielle pour l’aider, enrichir son regard vers l’avenir, voire parfois le faire cheminer!
Tout cela n’était jamais plus évident que dans les 3 heures que cela nous prenait lorsqu’il décidait de traverser le centre d’achat (je pense que mes frères et moi en avons d’ailleurs secrètement conservé un petit choc post-traumatique lorsque nous entrons à la Place du Royaume ou Place du Saguenay!).
Lors de son Honoris Causa , il nous rappelait « que la vie se résume en grande partie par des rencontres marquantes et des poignées de main qui se donnent par amour, par amitié ou par conviction et que ces poignées de main changent votre carrière». Il avait sûrement en tête sa première poignée de main avec René Lévesque.
On disait notre père très prudent! Intéressant!
Mais un peu paradoxal pour cet homme qui, puisant son autorité de son lointain passé agricole sur la ferme familiale de St-Honoré, et de quelques théories écologiques obscures, mettait à chaque année le feu aux champs du quartier résidentiel où nous habitions pour soi-disant les « nettoyer« . Immanquablement, les flammes qu’il allumait lui valaient la popularité instantanée des enfants et ados promus gardiens des lieux, et suscitaient le courroux répété des voisins dont les haies étaient brûlées ainsi que les
réprimandes un peu découragées de la moitié des pompiers de Chicoutimi!
À défaut d’être carrément rebelle, et croyez-moi ça se discute, il était souvent très audacieux.
Cela s’est traduit dans sa vie publique à travers ses réformes profondes, toujours ancrées dans la vie des gens et ayant pour seul objectif de l’améliorer.
– Le droit des femmes à disposer de leur corps
– La consécration de l’égalité des conjoints
– L’interdiction de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, la grossesse et le handicap
– La réforme du processus de nomination des juges pour en assurer l’intégrité
– La création du Conseil de la magistrature
– L’instauration du partage du patrimoine familial
– Première nomination de policiers autochtones cris
Plusieurs de ces réformes sont très audacieuses et pourtant acceptées rapidement, car enracinées dans le respect du rythme de la population et le souci d’inclusion de tous les Québécois.
Il a toujours été d’avis que le mouvement régulier et constant vers l’objectif était souvent plus rapide que les avances soudaines et qui peuvent parfois stigmatiser et nuire à l’acceptation du changement.
Marc-André a toujours valorisé l’engagement.
Tout jeune, je me rappelle sa fierté lorsque nous nous impliquions dans un conseil de classe, une chorale, une équipe sportive, une cause qui nous tenaient à coeur et pour lesquels nous militions bruyamment!
Ses engagements ils les rendaient contagieux. Responsabilisant les uns et les autres. Pour lui, il n’y avait pas de sauveur. L’engagement politique, comme les autres, est une course à relais où des hommes et des femmes, parfois au mépris de leurs intérêts personnels, se passent entre eux un témoin de leur responsabilité pour servir le plus grand bien de tous et ainsi changer le monde.
Il s’est beaucoup engagé. Toujours avec authenticité et toujours par conviction. Pour sa ville (dont il faisait la tournée des chantiers avec
nous), pour son Saguenay–Lac-Saint-Jean, son Cegep, son Université, son hôpital, sa cathédrale et surtout notre pays le Québec. Il a toujours eu la conviction que l’indépendance demeurera toujours le seul avenir durable pour le peuple Québécois.
Nous avons eu beaucoup de chance qu’il soit passé dans nos vies.
Par son amour et sa foi
son courage
son humilité
sa vision positive et son espérance
Il nous a tous rendus meilleurs.
Nous honorerons sa mémoire en continuant d’aimer, de s’engager dans nos familles et nos communautés, de voir dans chaque personne un trésor dont il faut s’émerveiller et de voir dans le peuple Québécois un grand peuple dont la marche vers toujours plus de liberté ne va jamais s’arrêter.