Un Québécois d’une très grande humanité
Par André Gagnon
Le soudain décès aux mains de la faucheuse COVID19 de l’ancien ministre de la Justice du Québec et vice-premier ministre sous René Lévesque et Pierre-Marc Johnson, Me Marc-André Bédard, a été immédiatement suivi d’un concert d’éloges et de remerciements de la part du premier ministre François Legault pour services rendus au Québec et à sa région du Saguenay-Lac St-Jean dont il était responsable, si fier et qu’il aimait tellement et a toujours défendu corps et âme.
Après avoir obtenu sa licence en droit de l’Université d’Ottawa et son droit de pratique du Barreau du Québec, fin des années 50, il a pratiqué le droit criminel et remporté plusieurs victoires de souligner son grand ami, Me Lucien Bouchard, qui fut premier ministre du Québec.
Une de ces causes criminelles remportée a même évité la potence à un client accusé de meurtre à l’époque où l’on pendit encore au Canada. Avocat de pratique privée à Chicoutimi, il s’est taillé une belle carrière en droit chez Gauthier Bédard, cabinet où il a passé une grande partie de sa vie professionnelle sur la rue Racine. Entre ses mandats de député et de ministre à l’Assemblée Nationale du Québec à compter de 1973 jusqu’à 1985, il faisait son bureau de comté à sa résidence de souligner Lucien Bouchard à Radio-Canada.
En 1976, lors de l’élection du premier gouvernement du Parti Québécois, il devient ministre de la Justice dont il conservera le titre pendant neuf ans, le plus long mandat à ce poste de l’histoire du Québec. Sans oublier qu’il fut aussi vice-premier ministre et aussi responsable de la Réforme électorale avec des résultats pas toujours satisfaisants aux yeux de son sous-ministre alors, André Laroque, professeur de science politique à l’Université de Montréal.
Ce poste permettait à Marc-André Bédard une grande proximité avec le premier ministre René Lévesque et son chef de cabinet, Jean-Roch Boivin, à deux pas de leur bureau respectif sur la Grande-Allée face à l’Assemblée Nationale et le tunnel qui permettait depuis le gouvernement de Robert Bourassa de se rendre à la Chambre sans avoir à s’habiller en hiver. Certains ont affirmé même qu’il était «l’âme damnée», le confident de René Lévesque, ce qui est sans conteste. Et ce qui facilitait les réunions pour jouer aux cartes après celles du cabinet et qui avaient lieu également durant les débats derrière le trône du Président de l’Assemblée Nationale tout en gardant un oeil sur l’appareil de télévision où étaient diffusés les débats et surtout la période de questions si vitale pour tous les gouvernements au pouvoir.
J’ai personnellement eu le grand privilège de faire partie de l’équipe recrutée par son nouveau chef de cabinet. Me Jean-Robert Nadeau, après la réélection du gouvernement Lévesque en 1981 comme attaché politique et attaché de presse durant quelques belles années ce qui me ramenait au début des années 1970 alors que j’étais membre de la Tribune de la presse parlementaire où j’avais représenté des stations de radio comme CKVL, CFCF et ensuite le réseau anglophone CTV. Même la BBC m’avait retenu pour quelques reportages car Richard W Cross, enlevé par le FLQ lors de la Crise d’Octobre, était un conseiller économique au consulat du Royaume-Uni à Montréal, décrit comme diplomate britannique.
Mon mandat au cabinet du ministre de la Justice a été un complément fort apprécié pour un journaliste habitué à ne considérer que l’aspect extérieur des rouages administratifs et de la création des lois par le gouvernement, la nomination des juges et tant d’autres aspects.
Merci Marc-André Bédard que j’ai eu le grand plaisir de revoir il y a cinq ans à Chicoutimi lors d’un souper-surprise et plus tard à la Fondation René Lévesque à Montréal ainsi qu’avec son fils aîné, Me Eric Bédard, associé-directeur de Fasken au Québec dont il était très fier.
Lors d’un congrès annuel des Avocats de Province à Chicoutimi, j’avais eu le plaisir de faire connaissance avec son autre fils, Me Stéphane Bédard, du cabinet Gauthier Bédard, qui fut un ministre fort important du Québec comme son père jadis. Je leur offre mes plus sincères condoléances ainsi qu’aux deux autres fils de Marc-André Bédard, avocats eux aussi, que je n’ai pas eu le plaisir de rencontrer.
En 1981, la famille Bédard était très jeune. Mes fonctions ne m’avaient appelé que deux fois de mémoire à Chicoutimi où j’étais allé avec le ministre pour des congrès de juges ou de juristes. Une autre équipe s’occupait du comté et de la région du Saguenay-Lac Saint-Jean.
Je veux témoigner de la grande générosité, de l’inclusion et de l’immense humanité et de la sympathie qu’a toujours manifestée Marc-André Bédard, né au lac Saint-Jean (Lac-à-la-Croix) près de la réserve Metabetchouan.
A cet égard, je dois souligner qu’il a joué un rôle majeur, capital, sans doute secondaire et rapide grâce à sa sympathie légendaire envers toute personne rencontrée.
Me James O’Reilly, que je connaissais, avocat de Billy Diamond, chef de la nation crie de la Baie James, importante personnalité politique autochtone du Québec, m’avait demandé à l’improviste alors que je débutais au cabinet au moment où avaient lieu des auditions publiques en commission parlementaire sur la Charte des droits du Québec où ils s’étaient tous deux rendus pour témoigner, me demande s’ils pouvaient saluer le ministre Bédard avant le début des travaux.
Le ministre me fait remarquer qu’une action de plus de 2 milliards $ a été intentée par eux contre le gouvernement du Québec. Ce que j’ignorais totalement. Puis, me fixant dans les yeux, il réplique: « Oui, ça va juste deux minutes dans le corridor.»
Billy Diamond était très heureux de lui serrer la main. Manifestement, Marc-André Bédard aussi. Une rencontre dans un corridor n’engage pas vraiment à grand-chose en réalité.
Deux mois plus tard, le ministre Denis Lazure fait savoir qu’un règlement est intervenu entre les parties!
L’humain dominait chez Marc-André Bédard. Je me suis longtemps demandé s’il avait des liens de sang avec des autochtones.