«L’AMF doit continuer d’exister», plaide Louis Vachon
Le feu vert de la Cour suprême du Canada à la création d’un régime coopératif pancanadien de réglementation des valeurs mobilières ne change en rien la pertinence de l’Autorité des marchés financiers (AMF), croit Louis Vachon, PDG de la Banque Nationale, qui a réagi à la décision du plus haut-tribunal dans le cadre d’un événement organisé par CFA Montréal, vendredi.
Le même jour, les huit juges de la Cour suprême ont rendu à l’unanimité leur décision: Ottawa a le pouvoir de créer un régime coopératif de réglementation des valeurs mobilières. La décision représente un revers juridique pour le Québec, qui jugeait que cette initiative empiétait sur ses compétences. Comme la participation à ce régime est volontaire, la Cour juge qu’il n’empiète pas sur les compétences provinciales, car les provinces conservent le pouvoir de ne pas y adhérer. C’est d’ailleurs ce qu’a l’intention de faire le gouvernement du Québec, a annoncé le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, dans un communiqué après la décision.
Même s’il s’agit d’un revers pour l’agence provinciale, l’AMF a toujours sa raison d’être, a répondu M. Vachon lors d’un tête-à-tête d’une heure avec Miville Tremblay, directeur du bureau régional de Montréal (Marchés financiers) de la Banque du Canada. «On a toujours soutenu l’existence d’une agence réglementaire au Québec, commente M. Vachon. Premièrement, son mandat est beaucoup plus large que les valeurs mobilières. Deuxièmement, il y a le Code civil. Troisièmement, il y a la langue. Quatrièmement, le Québec a un historique d’utiliser les valeurs mobilières pour encourager le développement économique et l’AMF est un outil de développement économique qui est important. La décision, selon moi, ne change rien. On pense que l’AMF devrait continuer d’exister et être basée à Montréal.»
La décision de la Cour suprême vient compliquer les choses, reconnaît M. Vachon. «La décision amène quand même des défis, car elle va rehausser le statut de l’agence fédérale, a précisé le banquier à Les Affaires en marge de sa conférence. Le défi de coordination et d’harmonisation avec l’agence fédérale va être réel. Ça ne devrait pas amener une disparition de l’AMF.»
M. Vachon est un défenseur de l’AMF depuis de nombreuses années. Il avait d’ailleurs fait connaître son opinion en 2012 après la publication d’un article publié par Les Affaires affirmant que la Nationale avait fait des représentations auprès d’Ottawa en ce sens.
Louis Vachon sur…
Au cours d’un entretien de près d’une heure, M. Vachon a répondu aux questions de M. Tremblay, qui a déjà été journaliste avant de faire le saut dans l’industrie financière. Les deux hommes ont échangé sur une multitude de sujets allant de la cybersécurité à la légalisation de la marijuana en passant par le marché immobilier montréalais et la relève entrepreneuriale.
Au sujet de la Bourse, M. Vachon a dit qu’il pensait que les meilleures occasions pour les investisseurs étaient au Canada. «Si l’on exclut le secteur du cannabis qui est monté très haut, on trouve que l’opinion, en général, est très pessimiste pour le marché canadien. Pas besoin d’aller très loin pour trouver de la valeur. L’investissement «valeur» n’est pas à la mode cette année, mais, un moment donné, ce genre de stratégie a tendance à revenir à la mode. On verra.»
M. Vachon se dit «optimiste» quant à la relève entrepreneuriale et l’engouement qui existe envers l’entrepreneuriat au Québec. S’il comprend l’intérêt des jeunes pour les technologies, il s’inquiète toutefois du manque de relève dans le secteur manufacturier.
Au sujet de la cybersécurité, M. Vachon estime qu’une part importante de la prévention passe par la formation des employés. Il a d’ailleurs prévenu qu’il fallait porter une attention particulière aux «serial clickers» (les employés qui cliquent sur tous les liens qu’ils reçoivent par courriel). Cette erreur humaine rend les organisations vulnérables au piratage informatique.
La conversation s’est terminée sur l’expérience de M. Vachon lorsqu’il étudiait pour obtenir le titre de CFA. «J’ai fait mon CFA pendant que ma douce moitié faisait son MBA à la fin des années 1980 alors on était le couple antisocial de Montréal», raconte-t-il devant un parterre composé de professionnels détenant la certification CFA. «Pendant que les gens faisaient le «party» sur la rue Saint-Laurent, j’étais à la maison à étudier, c’était pas mal excitant, poursuit-il sur un ton ironique. Je suis très content de l’avoir fait pendant que je n’avais pas d’enfants. Bravo à ceux qui l’ont fait avec une famille, ça prend une grande discipline.»
Source : Les Affaires