Le monde professionnel en importante mutation!
Jean H. Gagnon, Ad.E.
Le Monde professionnel arrive à point nommé.
En effet, depuis les quelques dernières années, notamment sous l’impulsion de la célèbre Commission Charbonneau et d’articles dans les médias, les règles légales et déontologiques régissant l’ensemble des professions du Québec sont aujourd’hui en mutation.
Plusieurs professions sont en voie de revoir leur code de déontologie alors que d’autres (dont l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec) tardent encore à adopter leur règlement sur l’exercice en société dans l’attente de certains éclaircissements.
Suite à l’adoption, en juin 2013, de la Loi modifiant le Code des professions en matière de justice disciplinaire (Lois du Québec 2014, ch. 12), nous avons assisté, en juin 2015, à la création d’un nouvel organisme, le Bureau des présidents des conseils de discipline des ordres professionnels dont l’objectif est de réduire les délais de traitement des plaintes disciplinaires et d’améliorer la cohérence des décisions rendues par les conseils de discipline.
Plus récemment, le 8 juin 2017 entrait en vigueur la Loi modifiant diverses lois concernant principalement l’admission aux professions et la gouvernance du système professionnel (Lois du Québec 2017, ch. 11).
Bien que, comme l’indique son titre, cette nouvelle loi comptant touche principalement les règles relatives à l’admission à une profession (dont la formation) et la gouvernance des ordres professionnels, elle n’en comporte pas moins quelques articles, qui pourraient très bien passer inaperçus, touchant directement les professionnels.
Voici quelques-uns des principaux de ces changements importants apportés par cette loi :
- Dès qu’un professionnel fait l’objet d’une poursuite pour une infraction punissable de cinq ans d’emprisonnement ou plus, le syndic de son ordre professionnel pourra requérir du conseil de discipline qu’il impose immédiatement (et, donc, sans attendre la décision sur cette poursuite) la suspension ou la limitation provisoire du droit d’exercice de tout professionnel de ses activités professionnelles ou de l’utilisation de son titre professionnel. Cette demande du syndic devra être traitée d’urgence par le conseil de discipline;
- Le syndic d’un ordre professionnel pourra dorénavant accorder à toute « personne qui a transmis au syndic une information selon laquelle un professionnel a commis une infraction» et qui « est elle-même un professionnel ayant participé à l’infraction », une « une immunité contre toute plainte devant le conseil de discipline à l’égard des faits en lien avec la perpétration de l’infraction »;
- Les syndics des ordres professionnels pourront s’échanger entre eux des renseignements et des documents malgré leur serment de discrétion;
- Les « frais de l’ordre engagés pour faire enquête» (lesquels, dans plusieurs cas, peuvent être très importants) pourront, dans certains cas, s’ajouter dorénavant aux déboursés auquel le conseil de discipline peut condamner un professionnel trouvé coupable d’une infraction;
- Le montant de l’amende pouvant être imposée par le conseil de discipline à un professionnel trouvé coupable d’une infraction, qui est actuellement de « d’au moins 1 000$ et d’au plus 12 500$», sera augmenté à « d’au moins 2 000$ à d’au plus 63 500$ »;
- Dans le même ordre d’idées, l’amende à laquelle peut être condamnée une personne (professionnel ou non) qui contrevient à une disposition du Code des professions (par exemple, une personne qui, « aide ou, par un encouragement, un conseil, un consentement, une autorisation ou un ordre, amène » un professionnel à contrevenir à son code de déontologie), sera augmentée de « d’au moins 1 500$ et d’au plus 20 000$» à « d’au moins 2 500$ à d’au plus 62 500$ » dans le cas où le contrevenant est une personne physique, et « d’au moins 3 000$ et d’au plus 40 000$ » à « d’au moins 5 000$ à d’au plus 125 000$ » dans le cas où le contrevenant est une personne morale (il est ici important d’aussi noter que tous ces montants, autant les minima que les maxima, sont portés au double en cas de récidive);
- Un nouveau délai de prescription applicable à toute poursuite pénale intentée par un ordre professionnel en cas de certaines contraventions au Code des professions (notamment dans le cas de poursuite contre toute personne qui, « aide ou, par un encouragement, un conseil, un consentement, une autorisation ou un ordre, amène » un professionnel à contrevenir à son code de déontologie), sera établi à « trois ans depuis la date de la connaissance par le poursuivant de la perpétration de l’infraction» jusqu’à concurrence d’un maximum de « sept ans depuis la perpétration de l’infraction ».
Sur un autre plan, plusieurs rumeurs persistantes indiquent que le gouvernement du Québec envisage également la possibilité d’octroyer aux ordres professionnels du Québec certains pouvoirs d’agir directement vis-à-vis des non professionnels qui collaborent avec des professionnels dans l’exercice de leur profession.
De tels pouvoirs sont demandés par plusieurs ordres professionnels, dont l’Ordre des ingénieurs du Québec (dans la foulée de la Commission Charbonneau), l’Ordre des pharmaciens du Québec (notamment à l’égard des fabricants de médicaments, des grossistes en médicaments, et des chaînes et bannières de pharmacies qui interagissent étroitement avec les pharmaciens) et l’Ordre des vétérinaires du Québec (qui est entre autres confronté à l’arrivée d’importantes entreprises de gestion d’hôpitaux et de cliniques vétérinaires, dont certaines provenant de l’extérieur du Québec, lesquelles sont moins familières avec les exigences du système professionnel québécois).
À ce propos, l’on peut d’ailleurs lire, à la page 5 du dernier rapport annuel de l’Ordre des pharmaciens du Québec (pour son exercice terminé le 31 mars 2017), ce qui suit « Les ordres professionnels ont un pouvoir de contrôle auprès de leurs membres, mais il arrive souvent que des tierces parties exercent une influence directe sur eux et contreviennent aux lois et règlements sans qu’aucune disposition ne permette de les sanctionner directement. L’Ordre a donc demandé que l’autorité des ordres puisse s’exercer dorénavant sur les sociétés auxquelles ses membres sont affiliés comme les grossistes en médicaments, ainsi que les chaînes et bannières. »
Il s’agira donc là d’un autre dossier pouvant toucher plusieurs professions à suivre de près au cours des prochains mois et des prochaines années.
Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour me proposer des sujets d’articles pertinents et intéressants pour vous.
Jean