Passer au contenu Osler Logo Basculez la navigation Leçons à tirer de la situation Rona/Lowe’s
Témoignant de l’appréciation commerciale qu’a habilement su exercer le conseil de Rona, Lowe’s a accepté le 3 février 2016 d’acquérir Rona pour la somme de 24 $ l’action au comptant, ce qui représente une prime de 65 % par rapport à la proposition non sollicitée présentée par Lowe’s en juillet 2012 de 14,50 $, qui avait été rejetée par le conseil de Rona, et une prime de 104 % par rapport au cours de l’action avant l’annonce.
La proposition initiale de Lowe’s avait échoué en partie en raison des préoccupations du gouvernement du Québec au sujet de l’incidence de l’opération sur les parties prenantes de Rona et sur l’économie du Québec en général.
Bien que le retranchement des dirigeants et le protectionnisme excessif de la part du gouvernement doivent être évités, il y a de nombreuses situations dans lesquelles l’appréciation commerciale à long terme du conseil au sujet de la valeur et des intérêts des autres parties prenantes, ainsi que les craintes légitimes du gouvernement au sujet de l’incidence économique d’une opération se révèlent être justifiées. Dans ce cas-ci, les actionnaires reçoivent un bien meilleur prix que celui offert dans la proposition initiale. Lowe’s a également pris plusieurs engagements importants et a convenu de conserver à son emploi la vaste majorité des employés actuels de Rona et de situer le siège social des activités canadiennes des sociétés regroupées à Boucherville (Québec). La Caisse de dépôt et placement du Québec (la Caisse), qui détient environ 17 % des actions de Rona, a annoncé qu’elle appuyait l’opération et qu’elle « estime que la transaction mènera au maintien ou à la croissance de l’activité économique générée par les bannières de Rona au Québec ».
Cette opération met en relief bon nombre de questions et d’enjeux importants en matière de politique publique ayant une incidence sur les fusions et acquisitions au Canada dans le contexte actuel :
Le rôle crucial du conseil dans l’évaluation de ce qui est dans l’intérêt à long terme de la société et de ses parties prenantes et le fait que les actionnaires devraient étudier attentivement l’opinion d’un conseil indépendant, bien conseillé et informé. Nous soulignons le fait que le conseil de Canadian Oil Sands a réussi à convaincre les actionnaires de ne pas accepter l’offre hostile initiale de Suncor, ce qui a ouvert la voie à une opération appuyée à un meilleur prix dans un marché très difficile.
L’importance d’avoir un plan bien conçu relativement aux relations gouvernementales et les parties prenantes au moment de l’évaluation de l’acquisition d’une société canadienne d’importance stratégique. Le succès de cette opération, par opposition à la proposition initiale de Lowe’s, sera fondé en grande partie sur l’appui du conseil ainsi que celui du gouvernement du Québec et de la Caisse, qui envoie un signal clair que les engagements que Lowe’s a accepté de prendre sont avantageux pour le Québec et, par conséquent, qu’ils constituent un avantage net pour le Canada en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Nous soulignons le succès de l’acquisition du Cirque du Soleil par TPG, qui a aussi pris des engagements importants envers le Québec et le Canada, ainsi que les engagements envers les parties prenantes négociés par le conseil de Tim Hortons lorsqu’il a accepté l’acquisition par Burger King.
La force du dollar américain par rapport au dollar canadien peut avoir une incidence sur les marchés. Si la prime de 104 % que Lowe’s a accepté de payer pour acquérir Rona est exceptionnelle, la chute du dollar canadien fait en sorte qu’il s’agit pour Lowe’s d’une hausse moindre, soit d’environ 14 $ US à 17 $ US l’action. D’autres acquéreurs américains et étrangers pourraient voir des occasions d’acquisition au Canada dans le contexte actuel, particulièrement dans les secteurs de l’énergie et des mines, où la faiblesse du prix des produits de base a déjà eu une incidence défavorable sur l’évaluation des sociétés cibles.
La réglementation des mesures de défense et la question du temps et de la marge de manœuvre accordés aux conseils pour la défense contre une offre non sollicitée. La proposition initiale de Lowe’s a inspiré en partie le document de consultation de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) du Québec au sujet des mesures de défense, qui visait à lancer un débat sur le bien-fondé de l’adoption d’une approche semblable à celle du Delaware relativement à la réglementation des mesures de défense au Canada (comme nous l’avons vu dans ce bulletin d’Actualités Osler antérieur). Selon la proposition de l’AMF, les autorités de réglementation des valeurs mobilières cesseraient de réglementer les mesures de défense (y compris les régimes de droits), à moins d’utilisation abusive, et laisseraient les tribunaux réglementer ces mesures. La réussite du conseil de Rona dans cette opération s’inscrit dans la logique de ceux qui appuient l’idée d’améliorer la capacité des conseils d’administration canadiens de « simplement dire non ». Les modifications éventuelles du régime d’offres publiques d’achat canadien, qui visent à donner aux conseils d’administration un délai de 120 jours pour répondre à une offre hostile, si elles sont adoptées en leur version actuelle (comme nous l’avons vu dans ce bulletin d’Actualités Osler antérieur), ne vont pas aussi loin que la proposition de l’AMF, mais elles dénotent une évolution de l’environnement réglementaire visant à donner aux conseils plus de temps pour répondre à une offre non sollicitée.