Prévisions CMKZ mi-2022 en droit du commerce international

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Prévisions CMKZ mi-2022 en droit du commerce international

La mi-année est l’occasion de faire le point sur les développements anticipés par CMKZ pour la deuxième moitié 2022 et qui auront un impact sur les entreprises canadiennes actives à l’étranger.

Les manœuvres de Poutine en Europe de l’Est et particulièrement en Ukraine sont venues s’ajouter aux problèmes causés par la pandémie de Covid-19 et aux défaillances des chaînes d’approvisionnement, n’aidant en rien à la reprise du commerce mondial. Bien que des violations plus graves du droit international liées au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États soient en jeu, le droit commercial international n’est pas en reste, la conjoncture ayant des répercussions fortes sur le commerce et l’ordre juridique commercial.

Outre les effets directs de la guerre, ses effets indirects se feront encore davantage ressentir sur le Canada et ses partenaires, notamment en raison des risques de famines engendrées par un déficit de céréales et d’oléagineux ukrainiens sur les marchés. Le réarmement du monde s’ajoute également à ces difficultés, les sommes utilisées pour l’armement n’étant alors pas utilisées à d’autres fins, comme pourraient l’être la transition verte ou le renforcement des chaînes d’approvisionnement.

Malgré ces vicissitudes, les récentes avancées à l’OMC, bien que n’étant pas une panacée face aux maux du système constituent un phare dans la tempête et incitent à demeurer optimiste. Le système n’est pas totalement bloqué, et en attendant la remise sur pied complète du système récemment promise par les membres de l’OMC, l’AMPA demeure fonctionnel et a rendu son premier appel.

Au vu de ces développements, CMKZ prévoit les évolutions suivantes au cours de la deuxième moitié de 2022 :

  1. La poursuite des sanctions des pays occidentaux contre la Russie et la riposte de la Russie passant notamment par l’expropriation de brevets et marques de commerce d’entreprises provenant d’États jugés inamicaux, dont le Canada ;
  2. L’exclusion éventuelle par certains États des investissements en matière d’énergie fossile de la protection de la Charte de l’énergie et l’inclusion de technologie de captage et de stockage du carbone ;
  3. L’avancement des discussions relatives à un accord commercial entre le Canada et le Royaume-Uni et à un accord partiel avec l’Inde ainsi que la progression des discussions commerciales avec l’Indonésie ;
  4. La poursuite des attaques contre le système des quotas laitiers canadiens et contre son éventuelle taxe sur les services numériques ;
  5. L’intensification des nouvelles négociations entre les États-Unis et le Canada sur le commerce du bois d’œuvre qui ont débutées fin juin 2022 ;
  6. La mise en œuvre du Partenariat global pour les investissements et les infrastructures (Partnership for Global Infrastructure and Investment) lancé par les États-Unis avec l’appui des leaders du G7 ;
  7. La mise en place du Cadre Économique Indopacifique (Indo-Pacific Economic Framework) qui devrait servir de cadre de négociations pour les États-Unis et ses alliés dans la région indopacifique dont les 14 États qui y participent comprenant l’Australie et le Japon ;
  8. La poursuite de négociations commerciales « soft » par le Royaume-Uni avec des États américains, dont le Texas et la Californie, vu la réticence des États-Unis à conclure rapidement un accord avec ce pays ;
  9. L’adoption prochaine par l’Union européenne de mesures commerciales pour contrer les subventions, y compris celles émanant de pays tiers créant des distorsions commerciales ;
  10. L’adoption éventuelle de mesures additionnelles par le Canada et l’Union européenne interdisant l’importation de produits en provenance du Xinjiang à moins que l’importateur ne puisse prouver que le produit ne résulte pas du travail forcé, basées sur le modèle de la nouvelle loi américaine (Uyghur Forced Labor Prevention Act), même si ces mesures risquent d’intensifier les problèmes en matière de chaînes d’approvisionnement auquel le monde fait face.

Union et désunion face à la situation en Ukraine

L’Occident est uni sous la direction des États-Unis, du Canada et de l’Union européenne (UE) face à la guerre en Ukraine. Néanmoins, cette union occidentale met indéniablement en exergue ce qu’il serait possible de qualifier d’indifférence du reste du monde face au conflit.

Bien que le Canada, les États-Unis et de nombreux autres pays occidentaux ont cessé d’appliquer la clause de la nation la plus favorisée du GATT à la Russie et mis en place une panoplie de sanctions économiques, une grande partie du reste du monde a préféré demeurer neutre. En effet, une majorité de pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie ne se sont pas joints à ce bloc, ne prenant pour la plupart aucune sanction contre la Russie.

Un nouveau bloc de pays semble adopter une posture « non-alignée » évoquant un Bandung 2.0 face à la Russie, voire adoptent une attitude favorable à la Russie et à la Chine, perçues comme antagonistes aux anciennes puissances coloniales. Les récents déplacements de hauts dirigeants français et russes en Afrique font montre de la compétition que se livrent les différents blocs sur ce continent.

Le Canada aurait intérêt à ne pas laisser tout l’espace être occupé par d’autres Puissances dans le monde en développement en particulièrement en Afrique et Asie, et ce, que les États y déployant leur diplomatie soient alliés ou hostiles. Le nouveau partenariat global annoncé par les États-Unis et le G7 abordé ci-dessous pourrait contribuer à maintenir et accroître le positionnement stratégique du Canada dans ces régions du monde.

Expropriation de la propriété intellectuelle par la Russie

Les entreprises canadiennes devraient être extrêmement précautionneuses en lien avec leur propriété intellectuelle, la Russie ayant autorisé ses entreprises à ne pas respecter les brevets enregistrés dans des États jugés inamicaux, dont le Canada. La mesure s’étend aussi aux brevets possédés par des entreprises faisant affaire avec les États jugés inamicaux ou avec les entreprises originaires d’un État jugé inamical. Un décret similaire a également été émis par l’administration russe quant aux marques de commerce, des entreprises russes pouvant utiliser sans restriction les marques de commerce originaires d’États jugés inamicaux. Les entreprises les plus touchées devraient être celles ayant enregistré des brevets en Russie.

Il est à noter que de telles restrictions à la propriété intellectuelle ont été monnaie courante dans le passé (p. ex. des brevets allemands ont été saisis par les États-Unis pendant la Deuxième Guerre mondiale), mais demeurent chose rare aujourd’hui.

 Amendements à la Charte de l’énergie re : énergies fossiles

Au moment où l’Europe fait face à une pénurie d’énergie, engendrée pour une part par les conditions environnementales, le cadre juridique régissant les investissements énergétiques en Europe, la Charte de l’énergie, est appelé à évoluer. En effet, les parties à la Charte ont conclu un accord de principe fin juin 2022 quant à la modernisation de cet instrument. L’une des principales visées est d’aligner le traité sur les objectifs de l’Accord de Paris, la majorité des investissements couverts par le traité ayant trait aux énergies fossiles comme le charbon, le gaz et le pétrole. L’accord a été largement utilisé par les compagnies gazières et pétrolières pour poursuivre des gouvernements lors de l’adoption de politiques environnementales nuisant à leurs intérêts.

Le nouvel accord devrait maintenir les garanties existantes pour les investissements en matière d’énergie fossile pour dix ans en UE et au Royaume-Uni (R-U), mais ne devrait pas affecter la protection de ces investissements au sein des autres parties qui demeurent toutefois libres d’exclure ces énergies à l’avenir. Les énergies fossiles devraient être exclues des protections offertes par l’UE et le R-U dès 2024 et tous nouveaux investissements dès 2023, mais des exceptions importantes devraient être ménagées pour le gaz dans le contexte actuel.

Outre ces changements, la Charte actualisée devrait faciliter et protéger les investissements verts, dont la biomasse, l’hydrogène et les technologies de captation du carbone ainsi que renforcer les normes en matière de travail et imposer la tenue d’études d’impact environnemental lors de certains investissements. La proposition augmenterait aussi le champ de manœuvre des États en renforçant les exceptions qu’il serait possible d’invoquer en matière environnementale ou de santé.

Ces modifications pourraient être adoptées en novembre lors de la conférence de la Charte de l’Énergie, mais certains États pourraient néanmoins bloquer l’amendement du traité en apposant leur veto, la modification requérant l’unanimité. Il est à noter qu’une fois adoptée, la modification n’entrera en vigueur qu’entre les parties l’ayant subséquemment ratifié, une fois atteinte une ratification par les trois cinquièmes des membres, mais l’amendement pourrait faire l’objet d’une application provisoire.

La modernisation de la Charte de l’énergie constitue donc tant un risque qu’une opportunité pour les entreprises énergétiques canadiennes présentes en Europe ou souhaitant s’y installer. Les compagnies canadiennes actives dans ce secteur devraient donc redoubler de prudence quant à leurs investissements existants ou futurs.

Accords commerciaux entre le Canada et l’Inde

L’un des principaux fronts de négociation qui pourrait avancer en raison de la conjecture concerne l’Inde, les négociations ayant récemment repris de la vigueur après plusieurs années de stagnation. La ministre Ng a en effet indiqué que le Canada souhaitait mettre en place un accord commercial partiel ou « early progress agreement » avec l’Inde au cours de ces négociations qui doivent in fine mener à un accord commercial plus large. L’adoption d’un accord plus restreint dans un premier temps constituerait une avancée importante pour les entreprises canadiennes. La conjecture semble avoir poussé l’Inde à changer son fusil d’épaule. En effet, le pays était réticent à la conclusion de nouveaux accords jusqu’à tout récemment, mais l’Inde est désormais très active, lorgnant notamment un partenariat avec l’UE ainsi qu’avec le R-U en plus du Canada.

Les négociations progressent également avec l’Indonésie, cet État et le Canada ayant récemment envoyé des signaux en ce sens.

Différends commerciaux du Canada

Le système de gestion de l’offre continue à faire couler de l’encre en lien avec la façon dont les quotas laitiers disponibles pour les exportateurs américains sont administrés par le Canada. Malgré une décision en sa faveur au début de l’année devant un groupe spécial de l’ACÉUM, les États-Unis jugent que les mesures prises par le Canada afin d’y remédier ne rendent toujours pas ce pan du système en conformité avec cet accord.

Le Canada devra également défendre son système de quotas laitiers — et indirectement le système de gestion de l’offre — devant le premier panel constitué au titre de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), des procédures ayant été initiées par la Nouvelle-Zélande à l’encontre du Canada.

Il est également possible qu’un nouveau différend éclate entre les États-Unis et le Canada advenant l’adoption de la Loi de la taxe sur les services numériques par le Canada, les États-Unis alléguant que celle-ci serait discriminatoire. Le Canada prévoit d’imposer une redevance de 3 % sur certains services digitaux, normalement à partir de 2024. Il est à noter que d’autres États comme la France prévoient également de telles redevances qui auraient dans les faits un impact sur les États-Unis en raison de l’importance du secteur numérique américain.

Enfin, du côté offensif, le Canada s’est rangé aux côtés des États-Unis dans un différend l’opposant au Mexique dans le cadre de l’ACÉUM, le gouvernement mexicain ayant annoncé que 56 % de la production énergétique devait être réservée à des entreprises nationales mexicaines. Le Canada et les États-Unis estiment que les politiques énergétiques mexicaines sont discriminatoires. Advenant une victoire du Mexique, la mesure pourrait affecter négativement les investissements canadiens dans ce secteur.

États-Unis

Les États-Unis et le Canada ont entamé de nouvelles négociations quant au commerce du bois d’œuvre fin juin 2022. La forte inflation avec laquelle les États-Unis sont aux prises semble pousser les décideurs à plus de flexibilité, les importations de bois canadien — frappé de droits allant de 6 à 20 % — pouvant contribuer à diminuer la pression affectant particulièrement ce marché. Les Américains demandent néanmoins à ce que le Canada offre des concessions afin d’accroître l’égalité entre les acteurs canadiens et américains (level-playing field) ; les Américains considérant toujours que l’accès aux forêts public constitue un avantage indu pour les producteurs canadiens.

L’administration Biden soutenue par les leaders du G7 a également lancé un Partenariat global pour les investissements et les infrastructures (Partnership for Global Infrastructure and Investment) afin d’occuper davantage de terrain dans les États en développement. Le projet américano-occidental vise à investir des sommes importantes dans ces États afin de ne pas laisser toute la place à la Chine et à son projet de nouvelles routes de la soie et met particulièrement l’accent sur l’environnement, la santé et les infrastructures de télécommunications comme la 5 G. Le plan sera en principe doté de centaines de milliards de dollars américains afin d’accroître la sécurité, de créer des infrastructures durables et de renforcer les chaînes d’approvisionnement. Les États-Unis se sont engagés à contribuer à hauteur de 200 milliards USD d’ici cinq ans et le reste du G7, 400 milliards.

L’administration Biden a également reconduit pour quatre ans les tarifs américains sur les importations de panneaux solaires mises en place sous l’administration précédente. Le Canada et le Mexique devraient normalement en être exemptés en tant que partenaire ACEUM.

Enfin, les États-Unis ont annoncé cet été la mise en place du Cadre Économique Indopacifique (Indo-Pacific Economic Framework) ou IPEF dont la nature demeure obscure. Le « Cadre » étant pour l’instant un instrument à portée symbolique, mais devrait servir de cadre de négociations pour les États-Unis et ses alliés dans la région indopacifique L’IPEF vise à accroître et rendre le commerce plus juste et plus vert, à rendre les chaînes d’approvisionnement plus résilientes et à combattre la corruption et l’évasion fiscale. Quatorze États dont l’Australie et le Japon y participent pour l’heure, mais l’IPEF demeure ouvert, il est donc possible que le Canada s’y joigne dans le futur.

Union européenne

L’Europe poursuit ses efforts de libéralisation du commerce, ayant récemment conclu un accord commercial avec la Nouvelle-Zélande. Bien que cet État demeure un petit partenaire, des dispositions clefs de l’Accord sont annonciatrices de la future politique commerciale de l’UE ; étant notamment prévu que les parties à cet accord puissent mettre en place des sanctions commerciales si l’autre partenaire viole l’accord de Paris et que la Nouvelle-Zélande respecte les appellations d’origine européennes comme le fromage « FETA ». Le traité pourrait faire des émules, s’agissant d’un des accords les plus contraignants au niveau environnemental à ce jour.

Les mesures de défense commerciale autonome initiées lors de la présidence française de l’Union européenne continuent de prendre forme. Outre les mesures de défenses commerciales traditionnelles, l’UE devrait ainsi mettre en place des mesures visant à contrer les subventions créant des distorsions commerciales, y compris en lien les subventions transnationales (subventions d’un pays A dans un pays B et affectant un pays C ; il est possible de penser à un investissement chinois dans un autre pays et ayant un impact négatif sur des producteurs européens). L’UE aurait ainsi le pouvoir d’évaluer si des subventions étrangères ont un impact sur son marché intérieur et le cas échéant d’y remédier en prenant des mesures ou en demandant à une entreprise donnée d’y remédier. Ces nouvelles mesures visent en sus à rendre plus strictes les règles en matière de fusions, de marchés publics et devra notamment recevoir l’aval du Conseil et du Parlement européen.

Il est à noter que les États-Unis étudient ces mesures avec intérêt et devraient également s’engager sur cette voie, le nouveau cheval de bataille européo-américain étant la notion émergente d’équité commerciale (level playing field).

Enfin, il conviendra de surveiller les procédures initiées par l’UE à l’OMC contre la Chine en raison des mesures commerciales de rétorsion mises en place contre la Lituanie — Membre de l’UE — en raison de ses prises de position face à Taiwan. L’issu du différend pourrait entraîner des répercussions importantes sur d’autres pays s’étant attiré les foudres commerciales de Pékin au cours des dernières années, dont le Canada et l’Australie qui participent au différend en tant que tierce partie.

Royaume-Uni

Le Royaume-Uni poursuit ses efforts en vue de remplacer ses accords commerciaux dits de continuité par de véritables accords commerciaux. Les négociations du nouvel accord avec le Canada lancées ce printemps progressent autrement bien, le Canada est le troisième partenaire commercial en importance du R-U. Néanmoins, le Canada est déterminé à obtenir davantage de concessions du R-U que de l’UE, notamment en termes de produits agricoles. Le R-U devrait donc céder au Canada et permettre l’importation de viande aux hormones, faute de quoi le Canada bloquerait les tentatives d’adhésion du R-U au PTPGP. Le nouvel accord pourrait donc élargir les perspectives commerciales de nombreux exportateurs canadiens, par rapport à l’accord entre l’UE et le Canada s’appliquant pour l’heure mutatis mutandis aux relations commerciales entre le Canada et le R-U.

Il est à noter que devant la réticence des États-Unis à conclure rapidement un accord avec R-U, ce dernier a annoncé qu’il comptait conclure des accords commerciaux avec une vingtaine d’États américains, dont le Texas et la Californie. Malgré les limites imposées par la constitution américaine, les États fédérés concluent parfois des accords non formalisés, des « Memoranda of Understanding » ou protocoles d’entente qui seraient valides en tant qu’instruments symboliques visant à accroître la coopération. Ces protocoles d’entente pourraient en ce sens accroître la mobilité interprofessionnelle et l’établissement de nouvelles entreprises, mais ne concernent pas directement l’imposition de barrières commerciales ou d’autres tarifs, étant l’apanage du gouvernement fédéral. L’impact économique de ces instruments devrait être négligeable, mais leur signature devrait envoyer un signal fort à l’administration américaine.

Travail forcé

Les entreprises canadiennes actives à l’international doivent demeurer d’une extrême vigilance en lien avec leurs intrants en provenance de Chine, et ce spécialement lorsqu’elles exportent aux États-Unis. En effet, une nouvelle loi américaine visant à contrer le travail forcé est entrée en vigueur (Uyghur Forced Labor Prevention Act) fin juin 2022. La loi va plus loin que les dispositions existantes en prévoyant l’interdiction d’importer tout bien en provenance ou contenant des composantes produites au Xinjiang à moins que l’importateur ne puisse prouver que sa chaîne de production n’a pas de lien avec cette province chinoise ou que la production des biens en question ne résulte pas du travail forcé.

L’impact potentiel sur les entreprises et les consommateurs américains est extrêmement important, les produits étant concernés par ces mesures même dans le cas où le pourcentage d’intrants du Xinjiang est extrêmement faible, la loi ne prévoyant pas d’exception de minimis. Environ 10 % des compagnies manufacturières du monde pourraient être affectées d’une façon ou d’une autre par ces nouvelles dispositions. Les pertes pourraient se calculer en milliards de dollars pour l’industrie mondiale, de nombreux biens de consommation ou intermédiaires étant produits au Xinjiang notamment dans les domaines de l’énergie solaire et éolienne ou du textile, ou encore de l’agriculture (coton, noix, légumes, etc.). Cela risque par ailleurs d’intensifier les problèmes en matière de chaînes d’approvisionnement auquel le monde fait face. Les procédures pouvant être un véritable casse-tête pour les entreprises en raison de problème d’opacité quant à l’origine de bien ou encore au manque de coopération appréhendé des autorités chinoises. De nombreuses entreprises pourraient donc exclure complètement cette province de leur chaîne d’approvisionnement.

Les entreprises canadiennes doivent aussi garder la situation au pays à l’œil. En effet, bien que depuis 2021, le Canada n’a intercepté que quelques cargaisons alors que les États-Unis en ont intercepté des centaines. Le pays devrait donc mettre en place de nouvelles mesures courant 2022 afin de se conformer à ses obligations au titre de l’ACÉUM en vertu duquel le Canada, les États-Unis et le Mexique s’engagent à bannir les importations de produits issus du travail forcé sur leur territoire. Pour l’instant, deux projets de loi dits « privé » sont à l’étude et risquent d’être adoptés étant donné l’appui du gouvernement Trudeau et plus largement des sénateurs et parlementaires. Le Canada devrait donc à terme appliquer un système comparable à celui initialement en place aux États-Unis, avec des obligations en matière de signalement. Il est aussi possible que le gouvernement mette en place une présomption de non-conformité (présomption que les biens sont des produits du travail forcé) pour les biens originaires du Xinjiang, transférant ainsi le fardeau de la conformité desdits produits sur les importateurs. L’un des projets de loi mentionnés propose quant à lui d’interdire toute importation de cette région chinoise, mais cela demeure peu probable au vu de l’importance et du nombre de produits en provenance de celle-ci.

Il est important de noter que la loi américaine et les lois canadiennes à venir ne visent pas seulement le Xinjiang, mais leurs dispositions les plus strictes ne concernent que les biens issus de cette région.

Du côté de l’UE, les choses bougent lentement, l’Union devrait néanmoins adopter des mesures similaires en 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen qui en a fait son cheval de bataille. L’UE reste néanmoins loin derrière les États-Unis et le Canada en matière de travail forcé, les mesures en ce sens comportant certains risques pour le marché intérieur européen, l’Organisation internationale du travail estimant qu’environ un million de personnes seraient victimes du travail forcé au sein de l’Union.

Taxation du numérique

La perspective de voir l’accord numérique adopté sous l’égide de l’OCDE et prévoyant un impôt minimal sur les sociétés de 15 % mis en place cette année s’assombrit en raison de la difficulté à le faire adopter par les deux chambres aux États-Unis. En effet, malgré le soutien affiché de l’administration Biden, le plan élaboré sous l’égide de l’OCDE ne fait pas l’unanimité parmi les élus démocrates. La mesure devrait toutefois aller de l’avant au sein de l’Union européenne d’ici fin 2022, l’opposition de membre réticent comme la Pologne étant en voie d’être levée, mais la Hongrie pourrait à nouveau jouer les trouble-fête. En raison de ces vents contraires, l’Accord ne devrait pas entrer en vigueur avant 2024, alors que l’OCDE prévoyait initialement que cela serait possible dès 2023.

Conseils pratiques CMKZ

Dans ce contexte, les entreprises canadiennes auront avantage à :

  1. Avoir à l’œil le processus de modernisation de la Charte de l’énergie et les mesures présentement étudiées par le Mexique, notamment en matière d’énergie fossile ;
  2. Surveiller les négociations commerciales avec l’Inde et l’Indonésie afin de saisir les opportunités pouvant en résulter ainsi qu’avec le Royaume-Uni ;
  3. Demeurer extrêmement prudentes face aux mesures de violation de la propriété intellectuelle de la Russie qui contreviennent probablement au droit international  ;
  4. Se tenir prêtes à saisir les opportunités en matière de marché public et d’investissement qui apparaîtront en raison du nouveau partenariat global lancé par les États-Unis et ses alliés du G7 ;
  5. Être conscientes du risque posé par les nouvelles mesures commerciales « autonomes » et autres mesures de l’UE qui pourraient les affecter, notamment si elles sont bénéficiaires de fonds publics ;
  6. Porter une attention particulière aux développements entourant la reconduction de tarifs par les États-Unis sur les panneaux photovoltaïques ;
  7. Être extrêmement diligentes et précautionneuses quant à leurs approvisionnements en provenance de Chine en raison des nouvelles mesures américaines et de mesures canadiennes et européennes à venir, en particulier lorsqu’elles exportent aux États-Unis.

Pour plus d’informations sur ces développements et sur l’impact potentiel qu’ils peuvent avoir sur vos activités, n’hésitez pas à contacter Bernard Colas ou l’un de nos autres avocat(e)s de CMKZ spécialisés en droit du commerce international.

 

Source: CMKZ